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Le malouin Gaïago veut faire respirer les sols

La greentech malouine, qui propose des solutions innovantes pour revitaliser les agrosystèmes, poursuit son développement. Elle vient de signer le premier prêt à impact octroyé par la Caisse d’Épargne. Et ses produits trouvent un écho favorable auprès d’agriculteurs durement touchés par les aléas climatiques.
Thibault de Ferrand a les traits tirés en cette période de rentrée. Le jeune régisseur du Domaine du Montmarin (Pleurtuit), magnifique malouinière du 18e siècle qui surplombe les bords de Rance, vient de vivre un été hors-normes. À 32 ans, celui qui dirige désormais cet ensemble d’une centaine d’hectares, dans sa famille depuis 6 générations, a fait ses comptes. « Je pensais récolter 500 tonnes de pommes à cidre dans mes vergers cette année. Je ne pourrai livrer que 150 tonnes à la coopérative cidrière Les Celliers Associés », déplore-t-il. La faute, sans surprise, à la période de sécheresse très sévère qui frappe la région depuis le printemps, avec un déficit en eau inédit. Et pourtant, lorsqu’il découvre le domaine du Montmarin, le visiteur est frappé par la verdure qui y règne encore. Thibault de Ferrand aurait-il un secret ? « Je n’ai pourtant arrosé mon potager que trois fois cet été ! », glisse-t-il en souriant. Le secret, s’il en est un, vient peut-être des produits qu’il utilise depuis 2018 pour fertiliser ses sols. Proposés par la jeune entreprise malouine Gaïgo, une greentech en pleine croissance, ils agissent de manière naturelle pour stimuler la flore organique des sols et les revitaliser en développant les micro-organismes.
Premier prêt à impact
Cette « science du sol vivant », Gaïgo entend bien la développer plus largement encore. Après avoir levé 13 millions d’euros en 2021 auprès de fonds spécialisés dans l’impact, l’entreprise fondée en 2014 par des professionnels du monde agricole vient de signer, le 6 septembre, le premier prêt à impact proposé par la Caisse d’Épargne, pour un million d’euros sur cinq ans. Le principe est simple : « avec ce prêt à impact, nous encourageons les entreprises à définir et à atteindre de nouveaux objectifs environnementaux et sociaux, en prenant en compte des critères de performance extra-financière ambitieux », explique Christophe Pinault, le président de la Caisse d’Épargne Bretagne Pays de Loire. A la clé, lorsque les objectifs fixés sont atteints, une bonification de taux est reversée à l’entreprise.
Projet Carbone
Chez Gaïago, le dispositif arrive à point nommé pour accompagner le déploiement de son produit-phare, Nutrigeo, celui qui est utilisé par Thibault de Ferrand au Domaine du Montmarin et qui permet de réveiller les champignons humidificateurs dans les sols. « Nous avons lancé notre projet Carbone en février, pour accélérer la revitalisation des sols et faciliter la transition écologique des agriculteurs », explique Michel Funfschilling, 42 ans, directeur général de l’entreprise depuis janvier dernier après une carrière dans les métiers de l’environnement, notamment chez Veolia en France et à l’international. Concrètement, le projet Carbone concerne déjà 10.000 hectares de terres agricoles. « Nous allons mesurer, avec un laboratoire d’analyses de sols reconnu, la part des agriculteurs ayant stocké plus de 3 tonnes d’équivalent CO2 par hectare et par an », précise Charles Vaury, directeur de la transition chez Gaïago.
Cet indicateur servira à calculer la bonification du prêt à impact. Celui-ci sera reversé intégralement à la nouvelle société à mission Gaïago Carbone, destinée à financer des actions concrètes pour accélérer la transition agroécologique, notamment par le « revenu carbone » versé aux agriculteurs impliqués dans la démarche.
Ferme pilote
Thibault de Ferrand, dont l’exploitation est référencée « ferme pilote Gaïago » depuis 2018, peut témoigner des résultats obtenus. « Il a fallu convaincre mon père, qui était de la génération « phyto », du bien-fondé de cette démarche. J’ai volontairement laissé des parcelles non traitées pour comparer les effets, et c’est spectaculaire », explique-t-il, regrettant seulement de ne pas avoir été plus loin encore compte tenu des conditions climatiques de ces derniers mois. En aérant les sols de son parc et de son potager, il a pu conster que ceux-ci s’enherbaient plus facilement dès les premières pluies. Son prochain objectif : qu’il n’y ait plus une parcelle de terre nue dans ses massifs d’ici à cinq ans. Pour redonner toute sa place au végétal.
Gaïago, de son côté, ne compte pas s’arrêter là. L’entreprise, qui reste discrète sur son chiffre d’affaires en forte croissance (avec un doublement tous les 18 mois), poursuit ses recrutements. Elle emploie actuellement 85 personnes et prévoit de nouvelles embauches ainsi que de nouveaux investissements industriels sur son site malouin dans les prochains mois pour accompagner son développement.