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La bauge : "une technique du passé, mais aussi du futur"

Nathan Crouzet sur le chantier de la Ferme de la Grande Frinière.
 
 
  • Nathan Crouzet rénove une ferme de 1000 m2 à Cesson-Sévigné
 
 
  • L’éco-constructeur utilise la technique ancestrale de la bauge
 
  • Une méthode locale, écologique et économique
 
 
 

Depuis 7 ans, Nathan Crouzet rénove une ferme à Cesson-Sévigné avec l’aide de bénévoles et d’apprentis. Architecte de formation, il enseigne les différentes techniques d’éco-construction, en particulier celle de la bauge, une méthode ancestrale élaborée à partir de terre crue, de paille et d’eau. Reportage.

Nathan Crouzet et ses élèves travaillent à pied d’œuvre pour rénover la Ferme de la Grande Frinière, à Cesson-Sévigné. “Regardez comme c’est beau“, s’émerveille-t-il en voyant l’enduit naturel rayonner sous le soleil rasant du début de matinée. Le jeune homme de 34 ans, architecte-urbaniste de formation, diplômé de l’école d’architecture de Versaille et maçon par l’expérience, rénove depuis 7 ans cet ancien corps de ferme breton de 1000 m2. Il souhaite en faire un lieu de résidence, « une sorte de colloque pour les artisans du coin ». Il forme des apprentis à l’éco-construction et à la restauration du patrimoine, en accueillant des stagiaires et des chantiers participatifs.

La Ferme de la Grande Frinière est située à Cesson-Sévigné.

La bauge, une technique durable aux multiples avantages 

Truelle à la main, concentrés et consciencieux, ces derniers façonnent les murs en bauge. Cette technique de construction ancestrale élaborée à partir de terre crue, de paille et d’eau, est écologique. « C’est une méthode de construction du passé, mais aussi du futur, car elle a une empreinte carbone neutre”, souligne Nathan Crouzet. En effet, les matériaux bio-sourcés qui composent la matière sont extraits localement. “La terre est prélevée sur place, la paille récupérée auprès des fermiers de la région”, indique l’éco-constructeur. En France, l’industrie cimentière représente à elle seule 1/8e des émissions de gaz à effet de serre (GES) du pays, d’après l’ADEME. “Lorsqu’on construit neuf, les matériaux émettent des composés organiques volatiles. Ces fameux perturbateurs endocriniens, responsables de certaines pathologies”, informe l’architecte. Ce dernier milite pour une évolution des réglementations. Il aimerait que ce type de rénovation se développe à grande échelle.

Les constructions (ou rénovation) en terre crue, sont aussi moins coûteuses que leurs cousines conventionnelles. Mais, la bauge possède d’autres avantages, comme celui d’être un bon isolant. « En fait, c’est l’air contenu dans le mur, entre la paille et la terre, qui apporte l’isolation. Les bâtiments construits en bauge sont aussi solides et résistants. ‘Ils peuvent tenir plusieurs centaines d’années”, assure le jeune architecte.

Des convictions écologiques

Au-delà de la solidité du système et derrière les multiples avantages de cette méthode, se cache un engagement. Une conviction écologique née avec l’idée qu’il faut préserver les ressources et la biodiversité. « En bétonnant, on détruit tout ! C’est moche. Les constructeurs disent que c’est moderne, mais c’est tout l’inverse ! », martèle l’architecte. 

C’est également par conviction, que les apprentis – qui suivent en parallèle une formation à l’école ECLIS à Dinan – ont rejoint le chantier. Valentin Bornais, 23 ans, détient un diplôme en maçonnerie sur le bâti ancien de l’Afpa. “Certaines ressources comme le sable vont manquer et c’est déjà le cas. Il faut donc se tourner vers d’autres méthodes moins émettrices, respectueuses de la planète. Et il y a tant de techniques à explorer”. Après avoir vu de loin, les techniques de construction conventionnelles, le jeune homme ne voulait pas y être impliqué. Tout comme Ophélie Bonneau. La femme de 34 ans a travaillé dix ans en tant qu’architecte, sur des projets plus ou moins vertueux. Pour donner du sens à ses connaissances et “passer d’une conscience écologique à l’action”, elle souhaite “faire sa part » en mettant les mains à la terre. 

 Ce mardi de novembre, ils étaient quatre sur le chantier. Nathan Crouzet et des stagiaires, qui suivent une formation d’éco-construction à l’école ECLIS à Dinan.

« Dans la bauge, il y a 30 % de pierres, ce qui permet de maintenir l’inertie. »

Nathan Crouzet, architecte, maçon, éco-constructeur

Comment monter un mur en bauge ? 

Pour monter un mur en bauge, les artisans posent d’abord un soubassement en pierre. “Cela permet que l’humidité ne remonte pas dans le mur”, explique l’éco-constructeur. Le mur est ensuite sculpté sur un mètre de hauteur, puis coupé à l’horizontale, avant de recommencer le processus. “Comme ça on peut monter très haut”, assure Nathan Crouzet. Certains édifices du passé en bauge, mesurent près de 20 mètres, comme le Presbytère d’Irodouër, en Ille-et-Vilaine. “Dans la matière, il y a 30 % de pierres, ce qui permet de maintenir une certaine inertie”, ajoute l’architecte.

La terre crue sous toutes ses formes 

Dans les constructions en terre crue, d’autres techniques existent comme le torchis ou l’assemblage d’adobes, ces briques de terre que l’on monte une à une. L’éco-constructeur Pierre Perrin, basé à Tresboeuf, les enseigne aux touristes qui viennent séjourner chez lui avec la plateforme de séjours immersifs dont nous avions parlé dans un précédent article. D’après Nathan Crouzet, la bauge a l’avantage d’être “monolithique”, contrairement aux adobes, méthode utilisée majoritairement dans les pays secs. “L’eau ne peut pas s’infiltrer aussi facilement qu’entre les joints des adobes et en Bretagne c’est important”, plaisante le jeune homme. 

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