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Le covoiturage cherche sa voie

La flambée du prix à la pompe replace la question du coût des déplacements au cœur des préoccupations. Une bonne affaire pour le covoiturage ? Pas si sûr. Car la poursuite de la pandémie et la généralisation du télétravail freinent le mouvement. Pourtant, des solutions existent.
Et si, cette fois, c’était la bonne pour le covoiturage ? Alors que le prix des carburants atteint des niveaux historiques en ce début d’année, la question du coût des déplacements s’invite dans le quotidien et fragilise les ménages les plus modestes. Sans parler des conditions de circulation de plus en plus difficiles aux abords des agglomérations, qui exaspèrent un nombre croissant d’automobilistes bloqués dans les bouchons aux heures de pointe. Lorsqu’on sait qu’en Bretagne, 100 voitures ne transportent que… 106 personnes, selon les chiffres communiqués par l’association Ehop, on devine que le covoiturage pourrait bien être LA solution. Sur le papier, en effet, le fait de remplir davantage un véhicule conçu pour transporter 4 à 5 personnes permet à la fois de limiter le nombre d’automobiles à l’instant T, tout en décongestionnant le trafic et en réduisant les émissions polluantes. Cette évidence, tout le monde la connait, mais bien peu passent à l’acte.
Plusieurs facteurs expliquent cette réticence à changer les habitudes. Aux craintes traditionnelles de perdre en liberté, de partager son habitacle avec un ou une inconnue, s’ajoute, en ces temps de pandémie, la peur du virus. Et la généralisation du télétravail dans de nombreuses entreprises et administrations, qui limite de facto les trajets-domicile travail depuis quelques mois.
Pour autant, il serait dommage de s’en tenir à ce simple constat. Car des solutions existent, qui commencent à produire des résultats.
Des solutions de mobilité pour se rendre au travail
L’association Ehop porte ce message depuis vingt ans. « Notre cœur de mission, c’est l’accompagnement au changement de comportement », résume Emmanuelle Fournil, en charge de la communication. Depuis bientôt cinq ans, le service Ehop Solidaires s’adresse aux personnes en panne de solutions de transport pour aller au travail. « Le nombre de demandes de covoiturage pour l’accès à l’emploi ou à la formation, reçues par Ehop solidaires, a connu une hausse de 37% ces deux dernières années, avec un taux de mise en relation entre covoitureurs qui a grimpé de 6 points entre 2019 et 2020 », indique Emmanuelle Fournil. Pas d’impact Covid à l’horizon, donc, bien au contraire.
En 2021, ce service a permis de réaliser 3.444 trajets en covoiturage pour des personnes qui n’avaient pas de solution de mobilité pour accepter une mission ou une formation. Et l’association a fait ses calculs : ce sont 60.764 km domicile-travail qui n’ont ainsi pas été le fait d’autosolistes ! Et même 177.000 km depuis l’ouverture du service, soit presque 4 fois et demi le tour de la terre !
« Rompre ses habitudes n’est pas évident. Entre la prise de conscience de la hausse du prix des trajets domicile-travail et le passage au covoiturage, il peut se passer du temps et si entre temps, le prix du carburant repart à la baisse… »
Emmanuelle Fournil, porte-parole d’Ehop.
Faut-il s’attendre à une nouvelle progression avec la flambée des prix à la pompe ? Ehop se montre prudent, et rappelle que le changement de modèle prend du temps. L’association note que le tri des déchets, par exemple, s’est installé sur l’espace d’une génération. « Rompre ses habitudes n’est pas évident. Entre la prise de conscience de la hausse du prix des trajets domicile-travail et le passage au covoiturage, il peut se passer du temps et si entre temps, le prix du carburant repart à la baisse… », reconnaît, pragmatique, la porte-parole d’Ehop.
Première ligne régulière en Bretagne
Thomas Matagne ne dira pas le contraire. Fondateur et dirigeant de la start-up nantaise Ecov, il réalise avec ses équipes études et gestion de projets de mobilité et de covoiturage, à travers une plateforme numérique qui met en relation conducteurs et passagers. « Nous avons assisté à un bel essor de l’appli à la rentrée de septembre 2021, mais la vague du variant Omicron et le recours massif au télétravail ont freiné le mouvement en fin d’année », reconnait le jeune dirigeant, qui observe toutefois « la montée en puissance de motifs liés à l’impact environnemental pour justifier le passage au covoiturage ».
À Rennes, la solution d’Ecov a été retenue dans le cadre de la création de la première ligne régulière de covoiturage en Bretagne. Baptisée Star’t et exploitée par le réseau de transports en commun de l’agglomération, le Star, elle dessert quatre communes de la périphérie, non reliées entre elles par les bus : Le Rheu, Pacé, Saint-Grégoire et Cesson-Sévigné. Le système, inauguré il y a presque un an, le 8 février 2021, a évidemment pâti de la crise sanitaire et du télétravail. Mais, si les résultats sont légèrement en deçà des espérances initiales, ils sont tout de même encourageants. À fin octobre 2021, le service comptait 1.830 inscrits.
« Nous garantissons un départ toutes les 5 minutes aux heures de pointe. Nous comptabilisons 250 trajets par jour côté conducteur, avec une moyenne quotidienne de 10,5 passagers. Il s’agit essentiellement de liaisons domicile-travail (la ligne est interdite au mineurs), avec un peu de déplacement à titre personnel, notamment vers les pôles commerciaux ou tertiaires », précise Jean-Michel Boqueho, responsable du pôle exploitation STAR.
Le dispositif se veut incitatif, avec une rémunération des conducteurs et la gratuité pour les utilisateurs, ainsi que la garantie d’une prise en charge en cas de course non effectuée.
L’expérience fera-t-elle école ? Du côté de Rennes Métropole, des réflexions sont en cours pour la prolonger quelques mois encore, voire la dupliquer auprès d’autres communes suburbaines. Et le covoiturage fait clairement partie de l’arsenal « anti-bouchons », avec l’aménagement programmé des bandes d’arrêt d’urgence ouvertes aux transports en commun et aux véhicules partagés sur certains axes très saturés aux heures de pointe, notamment la 2×2 voies en direction de Nantes.
Nouvelles fonctionnalités pour Ouestgo
À l’échelle régionale, 77 collectivités, dont les régions Bretagne et Pays de la Loire, ont initié depuis 2018 la plateforme Ouestgo qui propose des solutions de covoiturage du quotidien, avec le soutien, notamment, de l’association Ehop citée plus haut. Sur son site, on peut découvrir plus de 650 communautés, qui fédèrent d’une dizaine à plusieurs centaines de personnes intéressées par des dessertes identiques ou appartenant à la même entreprise, institution ou association. Le site a enregistré 42.000 visites en 2021 et revendique environ 40.000 utilisateurs.
L’activité, sans surprise, a fait les frais de la pandémie, avec un recul de 23% l’année dernière. Mais de nouvelles attentes apparaissent, et le service devrait s’enrichir prochainement de nouvelles fonctionnalités. « La plateforme va bientôt permettre de collecter les preuves de covoiturage pour faciliter le versement d’incitatifs aux utilisateurs, par exemple des places de parking ou de cinéma », confie Jacques-Michael Ngako, chargé de projets chez Ouestgo.
Le covoiturage dynamique devrait lui aussi faire son apparition cette année, grâce à une appli dédiée qui permettra en temps réel de connaitre les candidats au voyage sur un trajet donné. Enfin, l’introduction d’un module de paiement est à l’étude pour faciliter la rétribution des conducteurs. Autant d’initiatives qui permettront peut-être, demain, de lever les dernières réticences à changer ses habitudes pour covoiturer malin au quotidien.