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Vents porteurs pour le transport maritime à la voile
Le futur voilier-cargo développé par TOWT et Piriou devrait être lancé à l’été 2023. (Crédit photo: TOWT/PIRIOU)
Coup sur coup, les annonces se succèdent pour accélérer la décarbonation du transport maritime. Lancement d’un voilier-cargo par TOWT, second navire en vue chez Grain de Sail, voiles productrices d’électricité avec la start-up Héole… Tour d’horizon.
Le XXIe siècle sera-t-il marqué par le retour de la marine à voile ? Le secteur du transport maritime, en tout cas, multiplie les initiatives pour décarboner une activité responsable de 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, selon le livre blanc que vient de publier l’association française Wind Ship, qui milite en faveur du transport à la voile. Alors que 90% du commerce mondial est réalisé par voie maritime, Wind Ship considère qu’« exploiter le vent, une énergie renouvelable, gratuite et disponible, pour propulser les navires marchands constitue une solution immédiate encore trop peu considérée car méconnue. Pourtant quinze grands navires propulsés par le vent sont déjà opérés et 45% de la flotte mondiale pourrait être équipée de propulsion par le vent d’ici 2050 ».
Voilier-cargo de 80 mètres
Un message qui semble avoir été reçu « fort et clair » par Guillaume Le Grand, cofondateur et dirigeant de la société de transport finistérienne TOWT (TransOceanic Wind Transport ) qui a annoncé, ce 11 janvier, la conception et la construction d’un voilier-cargo en partenariat avec le chantier naval Piriou, de Concarneau (29). Ce voilier de transport de 80 mètres sera doté de deux mats supportant 2.500 mètres carrés de voiles. Il pourra embarquer dans ses cales 1.100 tonnes de fret à chaque voyage. Un volume évidemment modeste, lorsqu’on le compare aux 38.000 tonnes déplacés par les énormes porte-containers actuels. Mais avec une différence de taille: « Notre voilier-cargo est conçu pour être propulsé par la force du vent sur plus de 95% du temps de parcours, ce qui permettra d’économiser 3.000 tonnes de CO2 par an », souligne Guillaume Le Grand.
Depuis un an, TOWT s’est rapproché – dans la plus grande discrétion – de son voisin finistérien Piriou. La première phase d’études est lancée, avec pour ambition de découper la première tôle de ce navire en acier « avant l’été », selon le directeur des ventes du groupe Piriou, Stéphane Burgaud. La coque sera assemblée en Roumanie, dans un chantier récemment racheté par Piriou, tandis que le gréement et l’équipement seront installés au siège de l’entreprise à Concarneau.
« Notre voilier-cargo est conçu pour être propulsé par la force du vent sur plus de 95% du temps de parcours, ce qui permettra d’économiser 3.000 tonnes de CO2 par an »
Label environnemental
Le futur voilier cargo devrait être livré au 3e trimestre 2023. Très automatisé pour pouvoir fonctionner en équipage réduit (7 marins seront à la manoeuvre), il emportera dans ses cales des denrées alimentaires (cacao, café, vins, spiritueux) et des produits manufacturés issus d’entreprises françaises et européennes soucieuses de leur impact environnemental. TOWT a en effet développé depuis 2017 un label dédié, Anemos, qui garantit au consommateur l’origine « vélique » du produit transporté.
Par cette opération, TOWT change d’échelle. L’entreprise, fondée en 2011 par Guillaume Le Grand et Diana Mesa, a d’abord affrété des vieux gréements pour assurer ce type de transport transatlantique à l’ancienne. En dix ans, 2.000 tonnes de marchandises ont ainsi été transportées par 19 navires affrétés. À partir de 2023, ce volume sera assuré en une seule année par son futur voilier-cargo, qui prévoit une douzaine de voyages par an, sous pavillon français.
Le montant de cet investissement significatif demeure confidentiel, mais les deux partenaires planchent d’ores et déjà sur une série de 3 autres « sister ships », à l’horizon 2026. Et cet été, un appel à financement participatif a été lancé auprès du grand public via la plateforme Lita.co pour soutenir cette initiative, avec un résultat dépassant les espérances de ses initiateurs: la pré-collecte atteint à ce jour plus de 4 millions d’euros, record absolu dans cette catégorie.
Contexte très dynamique
Cette annonce survient dans un contexte très dynamique pour le renouveau du transport à la voile. Chez Grain de Sail, à Morlaix, un premier navire a été mis en service en 2021 pour des rotations transatlantiques, et après deux traversées couronnées de succès, il vient de quitter les côtes sud-américaines et est attendu à Saint-Nazaire dans un mois. Nous avions rencontré son directeur général Jacques Barreau à la veille du départ de la deuxième transat à Saint-Malo, en avril 2021, pour un épisode notre podcast Et si on faisait autrement.
Grain de sail fait le pari du transport décarboné | Ausha
L’entreprise ne fait pas mystère de son intention de lancer un second navire de 50 mètres, d’une capacité de 350 tonnes (contre 50 pour le premier), à l’horizon 2023. Pour accélérer son développement, Grain de Sail a d’ailleurs annoncé le 18 janvier qu’elle ouvrait son capital (pour un montant resté confidentiel) à deux partenaires financiers, Bpifrance et Crédit Mutuel Equity. En forte croissance depuis sa création avec un chiffre d’affaires de 7,7 millions d’euros en 2021, le torréfacteur-chocolatier emploie actuellement 47 personnes.
De son côté, le nantais Zéphyr et Borée a développé un cargo à énergie mixte (avec 4 ailes articulées de 350 mètres carrés) pour le transport des éléments du lanceur Ariane 6 jusqu’à son pas de tir de Kourou, en Guyane, qui devrait être en service cette année. Ses concepteurs assurent ainsi réduire de 35% les émissions polluantes.
Levée de fonds pour Néoline
Et ce 13 janvier, c’est le nantais Néoline qui annonce dans un communiqué de presse le lancement d’une collecte d’1 million d’euros sur la plateforme de financement participatif Wiseed pour financer son projet de voilier-cargo porté par Néopolia. Ce financement s’inscrit dans le cadre d’une levée de fonds de 3,3 millions d’euros auprès de partenaires financiers pour développer un navire roullier à propulsion vélique principale et à moteur auxiliaire diesel -électrique, moyennant un investissement global de 60 millions d’euros. Long de 136 mètres et d’une capacité de chargement de 5.300 tonnes, ce navire baptisé Néoliner devrait être mis en service en 2024. Avec , à la clé, une réduction de 80% de la consommation de carburant. Un second navire de dimension équivalente est d’ores et déjà envisagé.
Le futur roullier de Néoline, long de 136 mètres, aura une capacité de chargement de 5.300 tonnes. Mise en service prévue en 2024 (crédit photo: Néoline)
Héole développe une voile photovoltaïque
Ce regain d’intérêt pour le transport à la voile stimule l’innovation. Imaginez une voile qui servirait à la fois à propulser un bateau tout en fournissant l’énergie électrique nécessaire au fonctionnement des équipements de bord ! Ce pari de l’autonomie énergétique embarquée, c’est celui d’Héole, une start-up fondée en 2021 à Vannes par une équipe d’ingénieurs et de marins soucieux d’innovation éco-responsable. Les cellules photovoltaïques d’Héole pourraient bien, demain, se retrouver dans la mature des futurs cargos-voiliers. Découvrez cette innovation en détail dans notre article.
Héole développe des voiles photovoltaïques
La start-up vannetaise Héole a présenté au dernier CES de Las Vegas sa technologie innovante de production d’énergie à partir de cellules photovoltaïques organiques, adaptées aux supports souples : voiles de bateaux, toiles de dirigeables, bâtiments isolés… Explications et perspectives.Entreprendre.bzhXavier Debontride