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Coût de l'énergie : prêts pour l'auto-consommation ?

Station de méthanisation des frères Morel à la Chapelle-Janson en Ille-et-Vilaine. Crédit photo Florent et Nicolas Morel.

Explosion du prix du gaz, du pétrole, dépendance énergétique. Certains ont fait le choix des énergies renouvelables et de l’auto-consommation. Exemples à suivre ?

7 mètres de haut, 35 panneaux photovoltaïques qui à la manière des tournesols tournent avec le soleil, c’est le tracker solaire créé par  l’entreprise vitréenne Okwind et installé sur la commune de Langouët (Ille-etVilaine). « C’est plus performant que des panneaux fixes, avec un rendement 20 à 30% supérieure », précise Jean-Luc Dubois, maire de la commune de 600 habitants. Cette production électrique locale est utilisée pour fournir la mairie et l’école. Des communes, fournisseurs d’électricité, c’est possible depuis 2017, grâce à la loi autorisant l’autoconsommation par les énergies renouvelables.

« Dans la grande majorité des cas, cette production locale est destinée aux équipements de la commune et le surplus est revendu aux fournisseurs d’électricité. Ce qui est remarquable à Langouët, c’est que l’électricité produite en local est distribuée aux habitants », explique David Clausse, président de la société d’économie mixte Energ’iV qui a participé financièrement au projet. 30-40% de la production est consommée par la collectivité, plus de 50% par les habitants, le reste est remis dans le réseau.

Photo du tracker solaire installé à Langouët. Crédit Photo SDE 35

Autoconsommation collective : organiser le lien entre le producteur et les consommateurs

Frédéric Pineau préside l’association Solai Lann Coat qui fait le lien entre la commune productrice et les 9 habitations consommatrices. « Le fonctionnement est assez simple. Nous avons une application Enogrid qui relève nos compteurs Linky et qui permet de calculer qui de la production du tracker, qui du réseau électrique global est utilisée. Nous avons donc 2 factures d’électricité », détaille Frédéric. Ce chef d’entreprise en 100% télétravail bénéficie de l’électricité locale.

« 15% de ma consommation vient de l’autoconsommation collective. Cela me coûte moins cher car il y a moins de taxes, notamment  pas de taxes pour le transport de l’électricité »

Jusqu’où produire de l’énergie renouvelable pour de l’autoconsommation à partager ? « La limite, c’est la production. Aujourd’hui, nous réfléchissons à pouvoir produire plus pour permettre à davantage d’habitants de bénéficier de l’énergie locale », explique Jean-Luc Dubois. Frédéric, de son côté, veut installer des panneaux photovoltaïques pour créer de l’énergie renouvelable avec le souhait de fournir à d’autres le surplus d’électricité produite. »Techniquement c’est rien, la problématique est administrative, c’est complexe et long. Sans mauvais jeu de mot, ça demande beaucoup d’énergie ! », avoue-t-il.

La Bretagne produit 12% de l’électricité qu’elle consomme

L’objectif est d’atteindre 30% de production propre d’ici 2030, toute énergie confondue. « Nous sommes très en retard », confie David Clausse. « Il n’est pas question d’implanter une centrale nucléaire sur le territoire, il va donc falloir produire une part plus importante d’énergies renouvelables »

En 2020, la production d’énergies renouvelable en Bretagne provient essentiellement de deux sources d’énergie : le bois-énergie et l’éolien. 50% pour l’éolien, 6% pour le solaire. Il faut parfois entre 5 et 10 ans entre l’idée d’un parc éolien et sa création. Certains projets, initiés en concertation avec les habitants, comme le parc éolien citoyen de Saint-Ganton, sont toujours en cours d’élaboration, alors que l’idée est née en 2009 ! Le premier projet d’énergies marines renouvelables d’envergure en Bretagne devrait voir le jour fin 2023. A Saint-Brieuc, le parc éolien offshore est en cours de construction. Ce projet assurera l’alimentation en électricité de 835 000 habitants.

Biogaz, hydrogène, des initiatives pour créer de l’énergie locale

5 à 6% du gaz consommé en Ille-et-Vilaine est issu de la méthanisation. Ce procédé permet la production de biogaz à partir de déchets organiques issus des exploitations agricoles.

Nicolas et Florent Morel sont agriculteurs à la Chapelle-Janson, ils élèvent à eux deux 250 truies et une centaine de vaches laitières. Leurs premières réflexions remontent à 2015, leur première injection de biogaz dans le réseau date de décembre 2018 après un investissement de 2,5 millions d’euros, subventionné à hauteur de 470 000 euros par l’Ademe, la Région, le Département. « Aujourd’hui, avec des exploitations agricoles voisines, nous produisons à peu près 100 m3/heure qui sont revendus à un fournisseur de gaz, au prix garanti pendant 15 ans de 110 euros le mégawatt », explique Nicolas. À titre de comparaison, un ménage consomme environ 1 200 m³ de gaz sur un an, soit environ 100 m³ pour un mois. La production de la ferme correspond ainsi  à l’alimentation de 1500 foyers par an. Cette énergie produite localement est également utilisée pour faire rouler 5 voitures et un tracteur. « Nous voulons démontrer aux entreprises voisines du secteur de Fougères qu’il est possible d’utiliser des véhicules alimentés en biogaz », précise l’agriculteur.

5 véhicules et un tracteur roulent au biogaz produit sur l’exploitation. (Crédit photo: Florent et Nicolas Morel).

Convaincus de l’intérêt énergétique, écologique du projet et de sa rentabilité, les frères Morel n’hésitent pas à communiquer auprès des agriculteurs qui voudraient se lancer dans la méthanisation. Ce procédé ne fait pas l’unanimité partout en Bretagne et notamment auprès d’associations de riverains, de protection de l’environnement qui mettent en avant que cette technique, si elle n’est pas aboutie et suffisamment maîtrisée, induit des risques de pollution et des impacts importants sur l’environnement. Autre frein possible, le coût. Le prix du gaz est généralement lié à celui du pétrole, les prix ont aujourd’hui flambé. « Nous sommes partis de zéro il y a 3 ans. Aujourd’hui, nous investissons dans des stations de distribution de biogaz. C’est une solution pour décarboner les transports scolaires, les poids-lourds mais le contexte qu’on espère provisoire n’est pas favorable », reconnaît le directeur d’Energ’iV.

Autre terrain d’exploration énergétique sur le territoire, l’hydrogène. La Région Bretagne a écrit une feuille de route bretonne « hydrogène renouvelable » à l’horizon 2030 pour développer l’hydrogène vert dont l’électricité utilisée est issue d’énergies renouvelables.

Augmenter la production d’énergies renouvelables pour réduire sa dépendance énergétique, c’est un des leviers. Mais pas le seul.  Chacun a un rôle à jouer, en réduisant sa consommation, par le biais de l’isolation thermique, des économies d’énergie. La Bretagne se fixe des objectifs élevés : 63 % d’autonomie énergétique en 2040 et 83 % en 2050. Pour les atteindre, chaque initiative compte.

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