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Recrutement sans CV : la motivation gagnante

- la quatrième édition du forum de recrutement sans CV « Ça va matcher » a rassemblé près de 130 candidats
- EN 2022, 80 % D’entre-eux AVAIent TROUVÉ UN JOB, UN STAGE OU UNE ALTERNANCE, À L’ISSUE DE L’ÉVÈNEMENT
- LE RECRUTEMENT SANS CV PRIVILÉGIE LES SOFT SKILLS : LE COMPORTEMENT ET LA PERSONNALITÉ DES CANDIDATS
À l’occasion du forum de recrutement sans CV “Ça va matcher”, organisé par la Fondation agir contre l’exclusion (FACE), à Rennes, les candidats, les professionnels et l’expert Jean-François Bertrand, dirigeant du cabinet de recrutement Kom&Do, ont livré leurs impressions sur ce nouveau mode de recrutement, qui privilégie les “soft-skills”, la motivation et la personnalité des candidats.
Des candidats issus des quartiers prioritaires
Ce jeudi 19 octobre se déroulait la 4e édition de “Ça va matcher”, un forum de recrutement sans CV, organisé par FACE, la fondation agir contre l’exclusion, dans les locaux du Soccer Rennais. Ouvert à tous et accessible notamment aux candidats issus des quartiers prioritaires de la ville et des personnes placées sous main de justice, l’évènement était axé sur les motivations, le savoir-être et la personnalité des candidats.
Pour rendre le recrutement atypique, les organisateurs avaient prévu un programme riche, avec un tournoi de futsal, suivi d’un déjeuner. Dans l’après-midi, les entreprises devaient “pitcher” pendant trois minutes. Puis, c’était au tour des candidats d’aller à leur rencontre, à la manière d’un entretien inversé. “Plusieurs équipes mixtes s’affrontent sur le terrain sous le même maillot, sans distinction entre les candidats et les recruteurs”, explique Malika Aithammad, responsable financière de FACE. “Ça permet aux recruteurs d’observer les profils. Les comportements dans le jeu vont être les mêmes que dans le travail. L’objectif ? Sortir du cliché du CV”.

« Grâce au sport, on décèle des compétences comme l’esprit d’équipe»,
Fatiha Antri, responsable département logistique sur la plateforme Lidl de Liffré
80 % de sorties positives en 2022
Au total, une dizaine d’entreprises étaient présentes dont les agences d’intérim Proman et Adecco, les fournisseurs d’énergie Enedis et Suez, l’exploitant du réseau Star Kéolis, mais aussi le groupe Lidl. Fatiha Antri, responsable département logistique sur la plateforme Lidl de Liffré, satisfaite de l’édition 2022, voulait réitérer l’expérience. “Le concept est super ! Grâce au sport, on décèle des compétences comme l’esprit d’équipe, qui est essentiel dans nos postes. On recherche un savoir-être, ensuite on forme en interne”, explique-t-elle.
Il faut dire que l’édition 2022 avait été un franc succès. “L’année dernière, nous avons compté 80 % de sorties positives”, indique Rachel Gardize, directrice départementale de FACE. Cela signifie qu’à l’issue de la journée, une large majorité des candidats avaient obtenu un emploi, un stage ou une alternance.
« Lors des matchs, on va analyser les réactions dans la victoire et dans la défaite. Ça nous permet de repérer les profils qui s’adaptent »,
Eddy Sinbandhit, candidat en 2022, recruteur cette année pour Proman
« C’est le caractère qui prime avant l’expérience »
Sachant cela, les 130 jeunes – et moins jeunes – demandeurs d’emploi, présents ce jeudi, ont redoublé de motivation. Kevin, 29 ans, habitant de Saint-Gilles, à côté de Pacé, souhaitait “trouver un poste de chauffeur de bus”. D’après lui, le principe du recrutement sans CV est d’actualité car “il casse les codes”. “Je trouve ça bien, car c’est le caractère qui prime avant l’expérience, ça nous permet d’être à égalité, même si on n’a pas fait d’études”. Car oui, dans cette formule, les diplômes et les expériences professionnelles sont relégués au second plan.
C’est d’ailleurs de cette manière qu’Eddy Sinbandhit est passé du secteur de la téléphonie à un CDI chez Proman, en tant que chargé d’affaires. “L’année dernière j’étais candidat, aujourd’hui je suis recruteur”, sourit fièrement le jeune homme. D’après lui, l’événement offre un “vivier » qui pourrait lui permettre de recruter “une trentaine de personnes” pour sa structure. “L’intérêt de ce système, c’est que, lors des matchs, on va analyser les réactions à la fois dans la victoire et dans la défaite. Dans le monde du travail, ce n’est pas toujours rose. Ça nous permet de repérer les profils qui s’adaptent. Dans le sport, ce sont nos vraies émotions qui ressortent”. Ainsi, au fil de la journée, les opportunités d’embauche se sont dévoilées. Candidats et entreprises y ont trouvé leur compte. Une réussite qui laisse présager une cinquième édition en 2024.


#LE REGARD D’EXPERT :
entretien avec Jean-François Bertrand, dirigeant du cabinet de recrutement Kom&Do
Recrutement sans CV : Avantages et limites
Il y a quelques années encore, le curriculum vitae (CV) était une composante indispensable des processus de recrutement, bien loin devant la lettre de motivation. D’après une étude de la Dares* (Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques), publiée en 2017, dans 89% des recrutements, un CV était demandé aux candidats. Mais depuis quelques années, les “soft skills” sont apparues. Ce terme anglais définit les aptitudes à se comporter dans une situation de travail. Autrement dit, la personnalité joue de plus en plus. À tel point que dans certains processus de recrutement, le savoir-être prime parfois sur les compétences. Pour Jean-François Bertrand, dirigeant du cabinet de recrutement rennais Kom&Do, expert dans les stratégies de recrutement, ce fonctionnement comprend des avantages, mais aussi des limites.
“Le recrutement sans CV, c’est intéressant et adapté pour certains types de postes. On dit souvent à nos clients qu’il est important de trouver des profils qui matchent, en termes de savoir-faire, de culture, de projet avec l’entreprise. La formation technique, peut s’apprendre. En revanche, modifier le savoir-être c’est plus compliqué”.
Mais le concept a ses limites. “Parfois, le recrutement nécessite des pré-requis, des expériences, une expertise, une formation, qui sont obligatoires pour des professions comme les comptables par exemple”. Ces éléments sont résumés sur un CV et ensuite “c’est la rencontre qui fait la différence”. Une deuxième limite intervient lorsque “l’entreprise n’est pas en mesure de former la personne, ou que les missions requièrent des qualifications spécifiques, suite à un départ en retraite par exemple”, poursuit l’expert.
« Les recruteurs passent quelques secondes par CV en faisant une lecture en diagonale (du haut à gauche en bas à droite). C’est important d’avoir ça en tête pour classer les informations. On conseille souvent aux candidats d’avoir un CV adapté à chaque opportunité, éventuellement avec un titre qui correspond au poste recherché. Dans le résumé des expériences, il s’agit aussi de mettre en avant les missions effectuées en adéquation avec l’offre d’emploi. Le petit paragraphe contextuel, pour exprimer le projet souhaité, en une phrase, peut aussi faire la différence. »
En quinze ans, le marché de l’emploi a évolué. “En cabinet de recrutement, notre métier a changé. Aujourd’hui, nous approchons des candidats passifs. Avant, le rapport de force était différent : une annonce était posée et les candidats se positionnaient, mais aujourd’hui, ça ne suffit plus. Alors, on va aller chercher des traces digitales, en passant par les CVthèques ou sur les réseaux professionnels comme LinkedIn. Dans ce cadre là, le support ce n’est plus le CV, mais le profil LinkedIn. C’est valable pour de plus en plus de postes, notamment dans les métiers en tension. On constate qu’il y a de moins en moins de candidats sur les annonces qu’il y a dix ou quinze ans.