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INTERVIEW - Après la COP : "Des éléments permettent d'être optimiste mais ce n'est pas suffisant"

Marjolaine Bonhomme et Robin Lefol, à la COP28 à Dubaï (DR).

 

 
  • Robin Lefol et Marjolaine bonhomme, 21  ans tous les deux, ont participé à la COP 28
 
 
  • Ils ont pu assister aux débats Qui se tenaient du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï
 
 
  • Ils sont étudiants en génie de l’environnement  à UniLasalle Rennes
 
 
 

Cela fait presque un mois que la COP 28 s’est achevée à Dubaï. Robin Lefol et Marjolaine Bonhomme, en 4ème année à de génie de l’environnement à UniLasalle Rennes y ont participé en tant qu’observateurs. Ils livrent pour MAPinfo leur retour d’expérience. 

Grâce à votre association étudiante COP Trotter, vous vous êtes rendus à Dubai pour assister à la COP 28. Pourquoi souhaitiez-vous y participer ? 

Marjolaine Bonhomme – La COP était controversée du fait de sa tenue dans un pays exportateur de pétrole, les Émirats arabes unis et de la présidence du Sultan Al-Jaber, le PDG d’une compagnie pétrolière. Certaines organisations ont décidé de la boycotter à cause de ça, donc nous étions moins nombreux. C’était important d’y participer, pour moi, justement pour ne pas laisser le champ libre aux lobbies, très nombreux cette année. 

Robin Lefol – C’était important d’être présent pour représenter la jeunesse, car la COP, c’est un évènement qui évoque les enjeux de notre futur à tous. Une fois sur place, nous avons transmis des plaidoyers auprès de décideurs politiques sur les revendications de la jeunesse. 

Qu’est ce que vous avez retenu de cette expérience, est-ce que des choses vous ont surprises ? 

Robin Lefol – Ce qui m’a fait plaisir c’est de voir toute la société civile se rassembler. On rencontre des profils variés, des gens qui viennent du monde entier. On découvre leurs expériences, c’est inspirant ! Nous avons pu assister à certaines négociations. Là ce qui est frappant, c’est que les débats avancent lentement et les pays restent campés sur leurs positions. Autre fait marquant, parfois les pays bloquent l’avancée du débat. Par exemple, une négociation a mis du temps à démarrer car un pays voulait commencer par le début et l’autre par la fin du texte. Une chose qui m’a surpris c’est de voir, dans l’enceinte de la COP, une voiture de course exposée avec un message tel que « la course vers le net 0 en 2050 », alors que l’on sait que tout cela est du greenwashing.

Marjolaine Bonhomme – C’est très enrichissant de participer à une COP. Il y a énormément d’informations et de rencontres. Ce qui m’a étonnée c’est la présence des lobbies sur place, qui ne sont pas reconnaissables. Leurs intentions ne sont pas écrites sur leur tête. Ils ont les mêmes badges que nous. J’ai aussi été étonnée de la position de la France dans les négociations. Je trouvais qu’elle portait des objectifs ambitieux, ce qui est rassurant d’un côté, mais qui n’est pas cohérent avec les actions menées au niveau national. 

Vous avez pu échanger avec des représentants de la délégation française et d’autres acteurs politiques ou économiques. Comment avez-vous perçu ces discussions, ainsi que les négociations ? 

Robin Lefol – À l’intérieur des aires de négociation, c’est assez calme. Ce n’est pas du tout les débats que l’on peut voir à l’Assemblée nationale.

Marjolaine Bonhomme – On a pu voir Patrick Pouyanné, le PDG de Total. Il a échangé avec une personne qui était avec nous, mais la discussion était stérile. On a aussi discuté avec des négociateurs, notamment pour leur soumettre le plaidoyer (réalisé avec d’autres organisations de jeunesse : Reses, Climates et JAC). Les réactions variaient en fonction des pays. Certains étaient ouverts à la discussion, d’autres non. 

On a aussi échangé avec des représentants de la délégation française, comme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique ou Christophe Béchu, le ministre de l’environnement. On voyait que c’était important pour eux d’avoir les recommandations de la jeunesse, mais les échanges étaient parfois houleux. Ils avaient du mal à comprendre nos intérêts. Ils étaient d’accord sur le fond et sur les objectifs mais lorsqu’on les mettait face à leurs contradictions, en leur demandant pourquoi ils soutenaient tels ou tels projets, les réponses n’étaient pas cohérentes.

 

« La COP c’est un moyen d’agir mais ce n’est pas le seul. Il y a d’autres leviers d’action à l’échelle locale »

Robin Lefol, étudiant d’UniLasalle, présent à la COP 28

Qu’est ce que vous pensez des différentes déclarations et du texte final ? 

Robin Lefol – Je pense que c’est une petite victoire car c’est la première fois que l’on mentionne les énergies fossiles dans le texte final. Maintenant, c’est important de souligner que ce n’est pas une sortie mais une réduction d’ici à 2050. La nuance est importante. En point positif, il y a évidement la déclaration sur le triplement des énergies renouvelables d’ici à 2030. Le texte final reconnaît aussi que nous ne sommes pas sur la bonne voie pour respecter les objectifs de l’Accord de Paris. Et c’est important de le dire, car ça montre que les pays ne sont pas assez ambitieux. Sur le volet adaptation, l’accord qui a été signé est très vague. On avance très peu sur ce thème. Pourtant, il est crucial pour les pays en développement et pour les petites îles du Pacifique, menacées par la montée des eaux et les évènements climatiques extrêmes. 

Marjolaine Bonhomme – Si je peux rajouter quelque chose, c’est sur le fonds « pertes et dommages ». Les pays dont la France vont devoir verser de l’argent aux pays en développement pour qu’ils effectuent leurs transitions. Cela a été instauré dès le premier jour de la COP et c’est une bonne nouvelle. Néanmoins, ils ont annoncé une somme de  600 millions alors qu’il faudrait des centaines de milliards selon le GIEC, pour compenser leurs pertes et dommages. En résumé, c’est bien qu’il y ait de l’argent mais ce n’est pas suffisant, ce n’est pas donné de la bonne manière (prêt au lieu de don) et pas hébergé au bon endroit (Banque mondiale). 

D’après vous, est-ce que la COP 28 est une bonne COP ? 

Marjolaine Bonhomme – Ce n’est pas suffisant. La sortie des énergies fossiles était un point déterminant de la transition et il n’a pas été prononcé. C’est comme signer l’arrêt de mort de nombreux Etats insulaires dans le Pacifique qui sont déjà en train de couler. 

Robin Lefol – Depuis l’Accord de Paris, c’est la meilleure COP. Mais dire pour autant que c’est une bonne COP, je resterai prudent sur ce tèrme. Il y a quelques éléments qui permettent d’être optimiste mais ce n’est pas suffisant. Dans nos études en génie de l’environnement, on observe les problèmes éco-systémiques, donc on se dit qu’il y a vraiment besoin de plus d’ambition. 

Malgré tout, c’est important de garder l’espoir dans les COP. Au niveau international, c’est important qu’elles existent pour mettre d’accord tous les pays. C‘est un moyen d’agir, mais ce n’est pas le seul. Il ne faut pas oublier qu’il y a d’autres leviers d’action y compris à l’échelle locale où les actions sont souvent les plus concrètes. Il faut continuer à se battre !

Marjolaine Bonhomme.

Propos recueillis par Adèle CHARRIER

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