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Nouveaux courants porteurs pour les hydroliennes de Sabella

L’année débute bien pour l’entreprise finistérienne spécialisée dans la mise au point d’hydroliennes, des turbines immergées en mer et fonctionnant avec la puissance des marées. Le préfet du Morbihan vient d’autoriser l’installation de deux machines dans le Golfe. Et la société regarde de plus en plus à l’international. Le point avec son directeur commercial, Jérôme Le Moigne.

À quelques jours près, cela faisait un beau cadeau de Noël pour les équipes de Sabella à Quimper. En signant le 2 janvier l’autorisation d’immerger deux hydroliennes dans le Golfe, au large d’Arzon et de Larmor-Baden, le préfet du Morbihan permet en principe à l’entreprise finistérienne d’accélérer son plan de développement, malgré les recours toujours possibles contre cette technologie qui n’a pas encore complètement fait ses preuves. C’est d’ailleurs pour une période d’expérimentation de trois ans que les deux machines de 8 mètres de diamètre et d’une puissance nominale de 250 kilowatts seront immergées « début 2024 », confirme Jérôme Le Moigne, directeur commercial de Sabella.

Expérimentation à Ouessant

 

Créée en 2008 par Jean-François Daviau, la PME va donc pouvoir tester ses turbines dans une nouvelle zone à forts courants, ceux de la Jument, après ceux du Fromveur près des côtes de l’ile d’Ouessant, depuis 2015. Le principe est simple: la turbine tourne au rythme des courants de marées, montants et descendants. Plus ces courants sont puissants, et plus la turbine tourne et produit de l’électricité. Cette énergie est totalement prédictible (on connait avec précision les amplitudes de marées), mais intermittente, car la turbine ne rourne pas 24h/24. Après des débuts compliqués, la première hydrolienne D10 (d’un diamètre de 10 mètres, d’où son nom), fonctionne correctement sans interruption depuis sa remise à l’eau en 2022. Elle a notamment participé avec succès à une expérimentation ouessantine, pour tester la compatibilité et l’interface entre cette source d’énergie et l’électrolyseur, à terre, assurant le stockage de l’énergie produite sous forme d’hydrogène. En décembre dernier, les îliens ont pu tester pendant quelques semaines des vélos à assistance électrique fonctionnant à l’hydrogène vert. De quoi contribuer au projet d’autonomie énergétique de l’Ile, qui vise 100% à l’horizon 2030.

« La future expérimentation morbihannaise va intégrer les retours d’expérience de la D10, et permettra de tester de nouvelles briques technologiques. Le design des deux machines sera d’ailleurs différent, pour permettre les comparaisons en conditions réelles de fonctionnement », souligne Jérôme Le Moigne. Le projet est porté par la société Morbihan Hydro Energies (MHE) détenue par le syndicat 56 Energies et Sabella.

Les premières pièces des nouvelles turbines, dont les pales en composites fournies par Multiplast, à Vannes, seront assemblées sur le nouveau site industriel de l’entreprise, sur le polder de Brest, à la fin du premier trimestre. Ces locaux sont en cours d’aménagement et une campagne de recrutement devrait être lancée pour accompagner la montée en puissance du projet morbihannais, dont l’investissement s’élève à 10,7 millions d’euros, dont 8 millions pour les deux machines.

L’hydrolienne D10, à terre, et sur le bateau pour sa remise à l’eau au large d’Ouessant en 2018. (Crédit photo: Balao pour Sabella)

 « Le potentiel de l’hydrolien est évalué à 5 gigawatts en France et à près de 20 gigawatts à l’échelle de l’Europe »

Développement international

Les ingénieurs de Sabella (26 sur les 27 salariés de l’entreprise) espèrent ainsi enfin convaincre de la maturité de leur technologie. Et ils regardent aussi à l’international, notamment en Grande-Bretagne, dans le cadre du projet Morlais au Pays de Galles. Il y a un an, Sabella et son partenaire écossais Nova Innovation ont annoncé avoir remporté une concession de 12 mégawatts au large de l’ile de Holy Island. Les études sont en cours.

 « Le potentiel de l’hydrolien est évalué à 5 gigawatts en France (avec notamment le fameux courant du Raz Blanchard en Normandie) et avoisine les 20 gigawatts à l’échelle de l’Europe », rappelle Jérôme Le Moigne. À titre de comparaison, la plupart des centrales nucléaires françaises affichent une puissance de 900 mégawatts, soit un peu moins d’un Gigawatt.  A lui seul évidemment, l’hydrolien ne peut donc suffire à décarboner la production d’énergie, et cette technologie encore peu connue du grand public devra faire la preuve de son acceptation sociale et environnementale, notamment de la part des professionnels de la pêche et des défenseurs de l’environnement dont certains s’inquiètent de l’impact de ces installations sous-marines sur la faune et la flore.

Xavier Debontride

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