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L’association Lazare ouvre une colocation solidaire à Rennes

Une partie de l'équipe des colocs rennais, sur la terrasse de la nouvelle maison près de la rue de Lorient (crédit photo: Xavier Debontride)

Proposer à des personnes en précarité et à de jeunes actifs de vivre sous le même toit : c’est l’objectif de l’association Lazare, qui vient de s’implanter à Rennes dans une maison construite pour le projet. Il y flotte un vrai parfum d’humanité.

C’est une maison neuve, à la façade contemporaine, nichée dans une petite ruelle tranquille à deux pas du Roazhon Park, à Rennes. Rien ne la distingue de ses voisines, si ce n’est sa vocation, que l’on découvre en poussant la porte. Ce jour-là, c’est Thierry qui accueille le visiteur. Derrière le sourire, on devine une vie marquée par les difficultés de la vie. À 66 ans, c’est le doyen et la mascotte de cette résidence pas comme les autres, que vient d’ouvrir l’association Lazare. À l’origine de cette initiative, une belle intuition solidaire : celle de réunir sous un même toit des personnes ayant connu les galères de la rue et des jeunes actifs. Utopique ? Pas vraiment, lorsqu’on découvre les chiffres de l’association, reconnue d’utilité générale. Depuis sa création en 2006 par trois jeunes qui voulaient venir en aide aux sans-abris, elle a permis de reloger plus de 200 personnes chaque année.

Encore quelques places

À Rennes, comme dans les autres « maisons Lazare » – on en recense une douzaine en France -, les « colocs », comme ils se nomment, se partagent des appartements non mixtes, avec une chambre individuelle pour chacun et des espaces de vie et de convivialité communs. Ici, sur deux étages et 395 m2, l’espace est généreux et la décoration, lumineuse. Les hommes sont au premier, les femmes au second, et deux studios au rez-de-chaussée complètent l’offre locative, pour faciliter un retour progressif à l’autonomie. Actuellement, la maison rennaise dispose encore de quelques places, notamment chez les femmes. « « Si nous arrivons bien à mobiliser des jeunes actifs et des hommes seuls, nous rencontrons encore des difficultés à toucher les femmes de la rue. C’est un axe prioritaire pour nous, afin de les sortir de l’invisibilité », souligne Gratien Régnault, responsable développement France de Lazare, qui a piloté le projet rennais, depuis trois ans.

Marine Leprince-Ringuet et Gratien Regnault (crédit photo Xavier Debontride)

Dons en nature

L’association Lazare, qui ne cache pas son « inspiration chrétienne », est une structure aconfessionnelle qui accueille ses colocs sans aucune distinction de confession. « Nous pratiquons une laïcité positive », souligne Gratien Regnault, qui entretient toutefois des relations suivies avec les diocèses où sont implantées les maisons Lazare. Ainsi à Rennes, le terrain sur lequel a été construit la maison appartenait auparavant à l’Église catholique qui l’a vendu à l’association pour lui permettre de réaliser son projet.

Moyennant un investissement de 1,2 million d’euros (hors acquisition du terrain) et 18 mois de travaux, celui-ci est devenu réalité début 2023, avec l’arrivée de ses premiers occupants. « Nous avons bénéficié de nombreux mécénats de compétences ou en nature pour réaliser les travaux intérieurs, de la part d’entreprises locales qui nous ont fourni du matériel, ont mobilisé leurs compétences pour réaliser des prestations de travaux ou qui ont réalisé des chantiers solidaires avec leurs salariés, notamment  pour la peinture des chambres », précise Gratien. Une architecte d’intérieur a notamment apporté sa touche sous forme de mécénat de compétence.

Le chantier a bénéficié de mécénat de compétences et de dons en nature (crédit photo: Christophe Huchet)

« Tout le monde a un rôle dans l’appartement. Le cœur du projet, c’est le lien d’amitié entre des gens qui ont des parcours de vie différents »

Construire du lien

Comme dans chaque maison Lazare, on y croise une « famille responsable ». Ici, ce sont Marine et Foucault Leprince-Ringuet, un jeune couple de 31 et 35 ans qui attend son troisième enfant, qui endossent cette responsabilité particulière. Ils habitent la maison voisine et sont les coordinateurs du lieu. Habitués des colocations solidaires (c’est dans ce cadre qu’ils se sont rencontrés), ils se sont engagés pour trois ans dans cette aventure. « Il s’agit d’une mission de présence et de construction du lien », souligne Marine.

La maison a été conçue autour d’une belle pièce de vie, dans laquelle se vivent beaucoup d’échanges et de partage. Ici, volontairement, pas de télévision ni de lave-vaisselle, pour encourager la convivialité et les discussions entre colocs. « Tout le monde a un rôle dans l’appartement. Le cœur du projet, c’est le lien d’amitié entre des gens qui ont des parcours de vie différents », résume Marine.

Règles à respecter

Il y a également des règles à respecter : seules les personnes célibataires sont accueillies et l’alcool n’a pas le droit de citer dans la maison. Les locataires, eux, ont l’obligation de prendre au moins un repas par semaine ensemble, et quatre week-ends par an leur sont proposés pour échanger avec les colocs d’autres maisons. Côté loyer, tout le monde est logé à la même enseigne, et chacun verse une contribution de 320 euros par mois, quel que soit son parcours de vie. Les jeunes actifs s’engagent pour un an, mais il n’y a pas de durée fixée pour les personnes en difficulté, qui peuvent ainsi poser leur sac le temps nécessaire pour reprendre pied.

Développement international

Déjà bien implantée à Nantes, où se trouve son siège national, l’association souhaite à présent poursuivre son développement en Bretagne. Après Rennes, un projet est en cours à Lorient. L’international est également en ligne de mire, avec des antennes à Bruxelles, Genève, Madrid et Barcelone, Mexico et bientôt Londres. Et l’association peut compter sur ses mécènes, dont plusieurs grandes fondations, pour poursuivre ses actions. Sans oublier une communication très efficace en direction du grand public, notamment à travers la course au large. Après Clarisse Crémer qui avait porté haut les couleurs de Lazare lors du dernier Vendée Globe, c’est au tour de son compagnon Tanguy Le Turquais de reprendre le flambeau. Après une participation remarquée lors de la Route du Rhum, il souhaite récidiver pour le prochain Vendée Globe. Et si vous ne l’avez pas encore vue, découvrez sa vidéo décalée qui fait le buzz sur les réseaux sociaux depuis quelques jours !

Mais pour l’heure, ce n’est pas d’un bateau dont Marine et Gautier ont besoin, mais plutôt d’un van ou d’un utilitaire de 7 à 9 places pour faciliter les déplacements de leurs colocs solidaires. À bon entendeur !

Xavier DEBONTRIDE

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