Infos Innovations
Publié le
Comment rendre le numérique plus durable ?
Du 5 au 9 juin, Rennes accueille la 9ème édition de l’ICT4S, une conférence internationale dédiée aux technologies de l’information et de la communication et au développement durable. À cette occasion, nous sommes allés à la rencontre de 2 chercheurs de l’Irisa. Nous leur avons demandé si le numérique pouvait être durable.
Selon l’Ademe et l’Arsep, le numérique est responsable de 2,5% des émissions de gaz à effet de serre en France. Face au développement des outils numériques, du déploiement de l’intelligence artificielle, le numérique peut-il être responsable, durable ? Réponse avec Benoit Combemale, professeur des Universités de Rennes et Anne-Cécile Orgerie, directrice de recherche au CNRS, tous deux chercheurs à l’Irisa (Institut de recherche en informatique et systemes aléatoires).
C’est quoi un numérique responsable ?
Benoit Combemale : Le numérique est dit “responsable” lorsqu’il va essayer de minimiser l’empreinte carbone qu’il va dégager et en particulier l’empreinte carbone de sa consommation énergétique. Ainsi, on essaye de plus en plus de trouver des solutions pour créer des logiciels qui consomment le moins possible d’énergie.
Quels sont les grands chiffres à connaître ?
Anne-Cécile Orgerie : Ce qu’il faut retenir c’est que l’empreinte carbone du numérique en général c’est de l’ordre de 2 à 4% de l’émission globale de gaz à effet de serre. Et en France, l’usage sur la partie numérique c’est à peu près 11% de consommation électrique. C’est quand même un impact assez important au niveau mondial.
Comment réussir à mesurer l’impact environnemental du numérique, avec quels outils et méthodes ?
Anne-Cécile : Il existe plusieurs méthodes pour mesurer tous les impacts des services et des équipements. Pour ce faire, on se base sur des méthodologies d’analyse des cycles de vie. C’est-à-dire qu’on étudie les différentes phases des cycles de vie d’un service numérique ou d’un équipement numérique dont sa fabrication. Cette fabrication occasionne l’extraction matérielle première, l’assemblage de composants et le transport jusqu’au magasin et jusqu’à l’utilisateur. Enfin, la phase d’usage est aussi prise en compte car elle a des impacts sur la consommation électrique et on réfléchit à la fin de vie : est-ce qu’on recycle ? comment on collecte ? est-ce qu’on est capable de réutiliser les matériaux ? Il existe de multiples méthodologies informatiques des cycles de vie suivant les questions que l’on pose. On peut poser des question comme “Cet équipement, quel impact a-t-il globalement ?”, ou alors “Est-ce que cet impact, si j’enlève cet usage, si j’enlève cet équipement, est-ce qu’il a le même impact sur l’infrastructure ?”.
Benoit : Les analyses de cycles de vie, c’est une méthodologie qu’on connaît plutôt dans le milieu industriel et qu’on a porté principalement sur les aspects matériels du numérique. Mais, on continue à l’adapter en fonction des questions que l’on se pose. Ils sont donc plus compliqués à mettre en place sur les aspects logiciels, et sur lesquels il y a les travaux actuellement.
« Le problème de l’impact du numérique est qu’étant « non-visible », personne n’est conscient de son existence. » Anne-Cécile Orgerie
Quelle est la place de la recherche scientifique française dans ce domaine ?
Anne-Cécile : On a plusieurs axes de recherche. À l’Irisa (au laboratoire d’informatique), on explore tout d’abord les aspects “Utiliser l’informatique pour optimiser d’autres secteurs”, par exemple, le secteur de l’énergie donc des réseaux électriques. Ensuite, on examine “L’efficacité des infrastructures informatiques” plus sur un point de vue matériel, c’est-à-dire l’efficacité des processeurs par exemple. Enfin, on étudie la “Sobriété”, autrement dit : comment on peut concevoir que l’informatique soit plus limité et donc plus durable. C’est donc un compromis à trouver entre performance et électricité.
Quelle est l’innovation principale ou l’enjeu majeur qui sera présenté lors du colloque de juin ?
Benoit : Ils regardent à la fois comment le numérique peut aider à rendre plus durable un certain nombre de phénomènes et comment on peut essayer de rendre plus durable le numérique en lui-même. Alors “comment rendre plus durable le numérique” c’est comment rendre plus sobre la consommation énergétique du logiciel que l’on développe, par exemple les IA (intelligences artificielles) génératives et la consommation de ces IA. Pour la partie “comment le numérique peut rendre plus durable certains nombres de phénomènes” je donnerais l’exemple de l’agriculture de précision qui essaye de rationaliser la ressource en eau que l’on utilise dans les cultures. Les grands thèmes vont donc porter sur ces questions.
Bastien BAEHR