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L'Ifremer recrute des "espions des océans"
- L’Ifremer lance une nouvelle plateforme de sciences participatives
- Sans pré-requis scientifique, chacun peut s’inscrire pour analyser des photos des fonds marins
- La démarche séduit un large public, dont de nombreux enseignants
Solliciter l’œil avisé de passionnés pour décrypter des images des fonds marins : c’est la démarche lancée en 2016 par l’Ifremer. Une nouvelle plateforme au nom évocateur, Espions des océans, vient d’être mise en ligne par l’Institut. Objectif : aider les scientifiques à identifier les espèces qui y vivent.
Accélérer l’identification des espèces marines
C’est une nouvelle plutôt réjouissante à l’heure de la montée en puissance de l’Intelligence Artificielle générative, type Chat -GPT. L’Ifremer vient d’annoncer le lancement d’une nouvelle plateforme de sciences participatives pour aider ses scientifiques à décrypter les milliers d’images ramenées de leurs expéditions sous-marines. « Nous nous appuyons sur le cerveau humain pour analyser les images et constituer des jeux de données qui viendront nourrir nos analyses », explique Catherine Borremans, ingénieure biologiste imagerie à l’Ifremer, et coordinatrice d’Espions des océans. C’est en effet sous ce nom aux allures de jeu de société que l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer propose aux internautes de tout âge de se transformer en enquêteur pour accélérer l’identification des espèces marines figurant sur les clichés.
Comment devient-on « espion des océans » à la mode Ifremer ? « Il n’y a pas de pré-requis scientifique, tient à rassurer la chercheuse brestoise. Il suffit d’avoir un peu de patience, de faire preuve de curiosité. Ce qui est fascinant dans la démarche, c’est qu’elle permet à tout un chacun d’accéder à de vraies images scientifiques ». Une fois inscrits gratuitement sur la plateforme, les « espions » accèdent à des jeux de photos et doivent indiquer s’ils y repèrent des organismes vivants figurant dans une liste préétablie (Crevette alvinocarididae, vers polynoidés, par exemple). « Cette méthode participative nous permet de dégager des tendances d’évolutions des espèces sur une longue période », précise Catherine Borremans.
Et les risques d’erreur d’interprétation ? Ils sont minimes, car chaque image est lue par plusieurs dizaine de personnes. Si elles repèrent toutes les mêmes organismes sur la photo, on peut considérer sans trop de risque que l’information est fiable.
« À 8, 9 ans, le élèves ont vraiment l’impression de participer à la recherche, directement. Ils sont fiers d’être considérés comme de « vrais » scientifiques !»
Gaëla Moal, enseignante en classe de CE2 à Brest
Les enseignants plébiscitent l’initiative
Le profil de ces espions pacifiques est assez éclectique. On trouve évidemment des pionniers passionnés, qui ont répondu présents dès 2016 lors du lancement de la première opération « espions des grands fonds » et qui analysent les photos dans la durée. D’autres s’y consacrent durant une période plus courte, en fonction de leurs disponibilités. Mais s’il est une catégorie qui plébiscite la démarche, c’est bien celle des enseignants qui trouvent ici matière à faire de la pédagogie autrement.
Gaëla Moal peut en témoigner. Cette enseignante en classe de CE2 à l’école Jacques Kerhoas de Brest connait l’Ifremer en voisine. Elle avait suivi le programme éducatif « Adopt a float », consistant à faire adopter par une classe un robot sous-marin et à suivre ses découvertes. « C’est par ce biais que j’ai découvert Espions des grands fonds. Nous avons accueilli dans la classe des scientifiques de l’Ifremer qui nous ont parlé de leurs travaux sur la connaissance des fonds marins », explique l’institutrice. Et visiblement, ses élèves sont conquis ! « À 8, 9 ans, ils ont vraiment l’impression de participer à la recherche, directement. Ils sont fiers d’être considérés comme de « vrais » scientifiques !», confie Gaëla Moal.
Après les avoir embarqués dans les abysses, l’enseignante va travailler cette année avec ses élèves sur une étude de proximité, « Espions des côtes », pour étudier la biodiversité de la Rade de Brest, toute proche. Ils plancheront sur les clichés réalisés par le traineau instrumenté Pagure 2, qui collecte une mosaïque de photographies des fonds, entre 6 et 30 mètres de profondeur. Selon l’enseignante, les parents se prennent souvent au jeu en accompagnant leurs enfants dans la découverte des images à analyser.
Gain de temps pour les scientifiques
Pour Catherine Borremans et ses équipes de l’Ifremer, cette action n’est pas que pédagogique. Elle offre aux scientifiques un véritable gain de temps. « Lors de la première application lancée en 2016 sur les sources hydrothermales des grands fonds marins, ce sont plus de 1500 utilisateurs qui ont participé à l’initiative en annotant plus de 50.000 images, ce qui correspondrait à 78 jours de travail ininterrompu si nos collègues avaient dû les traiter seuls ! », a calculé l’ingénieure. Et si, à votre tour, vous deveniez espion des océans ?
Xavier DEBONTRIDE