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Méthanisation : les bio-déchets s’invitent dans la recette du biogaz
- AU 1er janvier 2024, La loi AGEC rend obligatoire la valorisation des biodéchets pour les professionnels et les particuliers
- La méthanisation agricole représente un débouché en croissance
- En Bretagne, on recense 75 exploitations produisant du biogaz
Et si vos déchets de cuisine se transformaient en énergie ? C’est le principe de la méthanisation des bio-déchets. A partir de janvier 2024, la loi impose à tous, professionnels et particuliers, de collecter et valoriser ces bio-déchets. Ils pourront se retrouver dans la méthanisation. Reportage dans une ferme aux portes de Rennes.
À 26 ans, Mickaël Boursault a le sourire. Actuellement salarié de la ferme familiale à Noyal-Chatillon, il s’apprête à s’associer à son père Alain et à son oncle Patrick dans une perspective de transmission de l’exploitation agricole. Située en pleine zone périurbaine, à proximité d’entreprises logistiques et non loin de l’usine automobile Stellantis, le GAEC de la Joussilenais n’élève pas seulement 600 taurillons pour la viande bouchère. Via sa filiale Castelmétha, il produit aussi de l’énergie.
À proximité des hangars où se trouvent les animaux, deux constructions sphériques attirent les regards : c’est l’installation de méthanisation, qui permet de produit du biogaz à partir de composants organiques. Et cet outil industriel d’envergure a accéléré la prise de décision de Mickaël d’assurer la relève. « Cette production d’énergie contribue à la durabilité économique de l’exploitation. Cela m’a aidé à franchir le pas pour m’installer, et c’est une motivation supplémentaire : je me sens concerné par la transition écologique et c’est une chance de pouvoir être acteur, directement », explique le jeune homme, qui a suivi une formation spéciale pour apprendre à gérer l’imposant dispositif, qui a nécessité un investissement de 4 millions d’euros en 2020.
Concurrence avec l’alimentation?
En Bretagne, les agriculteurs séduits par la démarche ne sont pas encore légion. On ne compte que 75 unités de méthanisation dans la région. L’initiative compte de nombreux détracteurs, qui pointent les dérives potentielles d’une agriculture qui oublierait de nourrir les hommes pour produire de l’énergie.
Une critique que balaie d’un revers de main Jean-Marc Onno, le président de l’Association des agriculteurs méthaniseurs bretons (AAMB), qui exploite une installation avec ses cousins dans le Morbihan. « En Bretagne, le biogaz provient à 50% des effluents d’élevage, de déchets végétaux, paille, déchets alimentaires… Les CIVE, cultures intercalaires à vocation énergétique, ne représentent que 6,5%, lorsque la loi autorise jusqu’à 15%. Ce n’est donc pas en concurrence avec l’alimentation humaine ! », souligne-t-il. Il reconnait toutefois que le maïs fait partie de la recette, et que son apport est indispensable au bon équilibre biologique du méthaniseur. « En 2020, on avait 2.000 hectares de maïs à vocation énergétique, soit 0,015% de Surface agricole utile (SAU). A titre de comparaison, il y a 800.000 hectares de maïs cultivé en Bretagne », rappelle Jean-Marc Onno.
« 1 tonne de bio-déchets, c’est 100 mètres cubes de gaz injectés dans le réseau et 900 kg de fertilisants qui retourneront au champ. On est dans l’économie circulaire ! »
Patrick Boursault, dirigeant de Castelmétha
Collecte de bio-déchets au Space
L’actualité du moment, c’est l’obligation, via la loi AGEC, qui est faite aux professionnels et aux particuliers de collecter et valoriser leurs bio-déchets, c’est-à-dire les restes alimentaires, en principe à compter du 1er janvier 2024. On peut en faire du compost, ou les valoriser via la biométhanisation.
La semaine dernière, au Space, le salon international de l’élevage s’est offert un petit coup de com’ en annonçant avoir installé 27 points de collecte de bio-déchets dans ses allées. Ils ont été envoyés à Liffré pour être « hygiénisés », c’est-à-dire chauffés à 70 degrés pendant une heure, ce qui a permis ensuite de les incorporer au méthaniseur de Castelmétha, par exemple. « 1 tonne de bio-déchets, c’est 100 mètres cubes de gaz injectés dans le réseau et 900 kg de fertilisants qui retourneront au champ. On est dans l’économie circulaire ! », souligne Patrick Boursault, de Castelmétha. Le digestat, cette matière solide au léger parfum d’ammoniac qui sort en continu du méthaniseur, permet d’amender les sols, et donc de réduire très significativement les apports en engrais chimiques. « C’est un métier d’éleveur : le méthaniseur, c’est un peu une bête en plus à nourrir ! Mais il sécurise une partie du revenu agricole : nous sommes un certain nombre à dire que sans la métha, nous ne serions plus agriculteur. On constate d’ailleurs qu’il y a davantage de repreneurs pour des exploitations dotées d’installations de méthanisation. Cela apporte de la résilience », conclut Patrick, fier de constater que son neveu Mickaël partage visiblement son point de vue.
Des prix de rachat revalorisés
De son côté, le directeur territorial de GRDF en Bretagne croit beaucoup à cette nouvelle ressource, malgré les difficultés annoncées de la collecte, notamment en milieu urbain. « Actuellement, on considère que 5 à 6% du gaz en Bretagne est issu de bio-déchets. Mais si on additionne tous les projets en cours, on devrait atteindre 14% en 2027 », estime David Colin.
Alors que la France veut tendre vers les 20% de gaz vert en 2030, la Bretagne pourrait atteindre 30% à cet horizon. « Rien que dans le département d’Ille-et-Vilaine, on est déjà à plus de 18%. On se projette à plus de 30% en 2030 sur le bassin rennais », poursuit le responsable de GRDF, qui estime que les bio-déchets pourraient permettre de produire 5 à 10% de biogaz supplémentaire. En juin, la hausse annoncée du tarif de rachat du biogaz de 12% par le ministère de la transition énergétique a rassuré la filière. Mais cette activité n’est certainement pas à la portée de tous les agriculteurs, tant les investissements de départ sont élevés.
Xavier DEBONTRIDE