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"Dans une SCOP, le personnel n'est pas une variable d'ajustement"
- Dans une société coopérative ouvrière de production (SCOP) les salariés détiennent au minimum, 51% du capital social de l’entreprise
- La SCOP repose sur la gouvernance partagée
- Dans ce système, un homme = une voix dans les décisions de l’entreprise
Créée en 1980, l’imprimerie rennaise Média Graphic, qui compte aujourd’hui 38 salariés et enregistre 6,5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022, a choisi, dès sa création, de se constituer en Société coopérative de production (SCOP). À l’occasion de l’événement Social Change, sur la RSE, le 3 octobre à Rennes, Yannick Delauné, directeur clientèle de l’entreprise, est revenu sur ce choix engagé. Interview.
Comment définiriez-vous une Société coopérative de production (SCOP) ?
Yannick Delauné – Se constituer en Scop, c’est monter un projet autour de valeurs communes, humaines, qui s’attache à mettre en place une gouvernance démocratique. Concrètement, le capital social est majoritairement dans la main des salariés-sociétaires. Il ne peut pas y avoir plus de 49% de capital extérieur à l’entreprise. Chez nous, il n’y en a aucun ! Toute l’entreprise appartient aux 32 salariés-sociétaires sur les 38 salariés que compte Média Graphic.
Dans ce système, un homme est égal à une voix, là où dans une société classique c’est celui qui a le plus de parts dans l’entreprise qui a le plus de droits de vote.
« Faire partie d’une Scop, c’est être maître de notre destin économique et humain ».
Yannick Delauné, directeur clientèle de Média Graphic
Concrètement, qu’apporte ce modèle à une entreprise comme la votre ?
Tout va dépendre du projet de l’entreprise. Mais à partir du moment où l’on est d’accord sur un certain nombre de valeurs, on va forcément avoir une énergie, une motivation, une implication de l’ensemble des salariés. Dans la mesure où il y a un engagement financier, les collaborateurs sont forcément plus motivés par le biais de l’actionnariat que lorsqu’ils subissent les décisions de patrons qu’ils ne comprennent pas toujours. Mais la raison principale n’est pas de toucher des dividendes, le but c’est de partager un projet commun. Faire partie d’une Scop, c’est être maître de notre destin économique et humain.
Quelles sont les valeurs principales qui vous animent ?
Nos valeurs sont axées sur la gouvernance démocratique mais aussi sur la solidarité, le respect et la responsabilité. Chez nous, la conscience professionnelle est placée très haut. L’idée, c’est de privilégier l’émancipation des gens. Dit autrement, ici, le personnel n’est pas une variable d’ajustement. La recherche du profit qui est garante de notre pérennité reste subordonnée à l’épanouissement des salariés.
Au niveau du développement de l’entreprise, le statut Scop est-il un moteur ou, à l’inverse, un frein dans l’élaboration de certains projets ?
Dans certains cas, ça peut être un frein, mais dans d’autres, c’est un avantage. Je vous donne un exemple: une coopération ouvrière d’imprimerie comme la nôtre a besoin d’investir et le matériel coûte extrêmement cher. Pour une machine performante comme celle que l’on possède aujourd’hui, il faut compter un million et demi d’euros. Ce n’est pas toujours facile de faire comprendre aux salariés que cet investissement est nécessaire pour que l’entreprise reste performante sur son marché.
À l’inverse, dans une entreprise classique, un patron assume souvent les risques tout seul. Il n’a pas besoin d’expliquer à son personnel que s’il achète cette machine, c’est parce que c’est mieux pour l’entreprise ! Mais à partir du moment où les gens sont convaincus, vous avez plus de chances de réussir que si vous leur avez imposé la décision. L’avantage principal, c’est de permettre de mieux réfléchir ensemble à la stratégie de l’entreprise.
Quels conseils donneriez-vous à une société qui envisage de se constituer en Scop ?
Les seuls conseils que je peux donner, c’est de venir discuter avec plusieurs types de Scop, afin d’échanger avec les uns et les autres pour confronter les différentes expériences. Il ne faut hésiter à nous rencontrer, et c’est le sens de mon témoignage à Social Change.
Propos recueillis par Adèle CHARRIER