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Les produits de la mer, nouvelle source d'inspiration des designers
- les designers bretons cherchent des matières durables et à proximité
- L’entreprise nantaise malakio et la géoverrière lucile viaud utilisent des matériaux naturels
- coquillages, vase de la rance, terroirs sont leurs terrains de jeux
Créée en juin 2021, l’École de l’exploration a organisé son 8ème séminaire les 14 et 15 septembre derniers. Le thème « Le design et la mer, dessiner la mer », l’occasion pour Marie Dautzenberg, organisatrice de l’évènement, de mettre la lumière sur des designers bretons qui travaillent sur des matières premières issues de la mer. Rencontre avec Morgan Guyader co-fondateur de Malàkio et Lucile Viaud géoverrière.
Travailler de la matière durable et à proximité
C’est pendant le confinement, dans un garage avec un marteau et une douzaine d’huîtres, que Morgan Guyader, co-fondateur de Malàkio, essaie de créer un matériau à partir de coquillages. « Je suis designer, je travaille les matériaux. Pour nous, ils doivent être esthétiques, solides, malléables, ce qui fait que ce sont des matières que nous importons le plus souvent. Je voulais pouvoir me fournir à proximité », précise le jeune entrepreneur. C’est le même esprit qui anime Lucile Viaud, géoverrière dont l’atelier est installé pour encore quelques mois près de Dinan. Designer d’objets de formation, elle est aujourd’hui chimiste en autodidacte. « La géoverrerie, c’est une idée que je développe depuis 2015, c’est étudier comment le verre peut refléter le territoire », explique Lucile. La vase de la Rance, les coquilles d’escargots, la cendre, le goémon, autant de matières que l’artiste bretonne travaille pour créer du verre, transformé en objets de la maison tels que des gobelets, articles de vaisselle ou sculptures. A Rezé, près de Nantes, où se trouvent les 7 collaborateurs de Morgan et son associé Hugo, ce sont des coquilles d’huitres, de moules, de Saint-Jacques qui sont la matière première des plans de travail, tables de bistrot, dessous de plat.
« Les designers importent leur matériau, je voulais pouvoir me fournir à proximité »
Morgan Guyader, co-fondateur de Malàkio
Les restaurateurs, magasins de luxe, premiers clients de ces designs innovants
Guillaume Pape, chef au restaurant « L’Embrun » à Brest et finaliste de la célèbre émission de Top Chef, a été le premier à passer commande aux équipes de Morgan. « Nous n’avions encore jamais réalisé de plan de travail, cela a été un challenge, que nous avons relevé et qui nous a donné une grande visibilité », raconte-t-il. Aujourd’hui, l’équipe s’apprête à lui en créer un deuxième et travaille avec d’autres restaurants, hôtels, et avec des entreprises dans l’univers du luxe. Lucile Viaud travaille, de son côté, sur un projet de vitrines recyclées avec la maison Cartier, après avoir aussi fourni des chefs en assiettes.
Que ce soit des supports en coquillages ou à base de ce qui se trouve dans les sols, notamment dans la Rance, Morgan et Lucile répondent à ces envies d’allier utilité et innovation. Et quid du quidam ? Les 2 designers se veulent accessibles avec des objets du quotidien en vente sur leurs sites: des sous-verres par exemple pour Malàkio, produit le plus vendu et des bols, pots pour Lucile Viaud. Un moyen aussi de sensibiliser le consommateur. « Avec la pratique de l’objet, les gens peuvent s’interroger dans quoi ils mangent, combien cela coûte », explique Lucile.
A gauche et droite, créations de Lucile Viaud (crédit photo Lucile Viaud), au centre des supports et plan de travail créés par Malàkio (crédit photo Malàkio)
Fabriquer plus responsable
Aujourd’hui, les volumes de coquillages utilisés par l’entreprise nantaise sont infimes par rapport aux quantités jetées : 250 000 chaque année contre 30 tonnes utilisées en 2023 à Rezé. A titre d’exemple, les tables bistrot qui connaissent un grand succès auprès des restaurateurs n’incorporent que 5 kg de coquillages….une goutte d’eau, mais les envies d’aller plus loin sont bien là. Malàkio crée du mobilier avec des pigments naturels venus de Saint-Brieuc et une colle en partie synthétique. « De par notre formation, nous voulons développer la recherche et développement, pour réussir à obtenir un matériau 100% naturel », explique Morgan. Il imagine pouvoir développer des partenariats avec d’autres designers en Europe et même Tahiti, partager le savoir-faire pour être au plus proche de la matière, telle que l’huître perlière tahitienne. »On nous a demandés d’exporter nos objets mais nouc considérons que c’était un non-sens par rapport à ce que nous prônons », précise-t-il, en soulignant vouloir développer ses propres parcs pour pouvoir gérer la chaîne de A à Z. Lucile Viaud sait que son métier de verrière est très consommateur d’énergie pour chauffer les fours. « J’expérimente des modes de cuisson moins énergivores et je me pose toujours la question: pourquoi on fait cet objet et jusqu’à quand? ». Les designers portent ainsi une responsabilité singulière, celle de faire mieux avec moins. Une démarche indispensable, « si on veut tout simplement s’en sortir », conclut la jeune artiste.
Céline MONSALLIER