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INTERVIEW - Des travaux menés en Bretagne pour limiter les rejets plastiques vers les océans

- Margaux Kerdiles est doctorante en sciences de l’environnement
- Sa thèse porte sur le Traitement d’affinage des eaux usées et la rétention des microplastiques
- Elle a remarqué que les microplastiques passaient au travers des traitements d’épuration
- Pour limiter cet impact sur l’environnement, elle souhaite démontrer l’efficacité des Zones de rejet végétalisées
Comment empêcher les microplastiques d’être rejetés dans la nature, à la sortie des stations d’épuration ? Margaux Kerdiles, doctorante au laboratoire Géosciences Rennes et co-encadrée par ICEMA, biologiste de formation, travaille actuellement sur le sujet dans le cadre de sa thèse. Ses recherches portent sur l’efficacité des Zones de Rejet Végétalités (ZRV) pour ce type de polluant, mais surtout sur leur optimisation grâce à l’utilisation de substrats organiques et inorganiques. MAPInfo l’a interrogé à l’occasion de la 28 ème édition de la Réunion des sciences de la Terre, qui se déroulait du 30 octobre au 3 novembre, au Couvent des Jacobins, à Rennes.
Sur quoi porte votre sujet de recherche ?
Margaux Kerdiles – Mes travaux portent sur la capacité des Zones de Rejet Végétalisées (ZRV) à capter la pollution plastique. Car une fraction de microplastiques (entre un micromètre et 5 millimètres) et de nanoplastiques (en dessous d’un micromètre) présents en quantité dans les eaux usées échappent aux différents traitements d’épuration.
À quoi ressemble une ZRV ?
C’est une zone aménagée qui se situe à la sortie de la station d’épuration, avant le retour au milieu naturel, qui ressemble souvent à un bassin planté de végétaux hydrophytes. Sa présence n’est pas requise et sa conception n’est pour l’instant soumise à aucune règlementation. Le passage des eaux usées traitées dans une ZRV permet de neutraliser d’éventuels polluants résiduels. De plus, une ZRV contribue à une amélioration de la biodiversité environnante.
Les ZRV permettent déjà de stopper certains polluants. Qu’en est-il pour les plastiques ?
L’efficacité des ZRV est déjà avérée pour d’autres polluants mais pas pour les microplastiques. Nous nous sommes posé la question: » pourquoi les ZRV ne marcheraient-elles pas pour capter les microplastiques, car on sait qu’ils sortent en grande quantité des stations d’épuration ? ». Je tente donc de montrer que ce dispositif est aussi adéquat pour la pollution plastique. L’objectif n’est pas de supprimer les microplastiques, pour l’instant ce n’est pas possible, il faudrait agir en aval. Il s’agit plutôt d’empêcher leur dissémination vers les cours d’eau, les rivières, les océans notamment.
Vous avez aussi réfléchi à une solution qui permettrait d’optimiser la filtration ?
Oui, j’y travaille. L’idée serait d’injecter des substrats organiques issus d’une filière de recyclage (dont le nom n’a pas été donné, NDLR) – (Les substrats sont soit organiques comme l’écorce, la fibre de coco, les enveloppes de grains de riz… ou inorganiques comme le sable, les graviers, NDLR). Habituellement il y a une majorité de substrats inorganiques dans les ZRV. Là, il s’agit de tester un type de fibres organiques. Elles sont plus poreuses que les fibres inorganiques et permettraient donc une meilleure rétention des polluants. Au-delà de la performance, l’intérêt c’est que les substrats organiques sont issus du recyclage, contrairement au sable qui sort des carrières et donc ce système aurait un impact moindre sur l’environnement.
Combien de résidus de plastiques passent au travers des traitements d’épuration en temps normal ?
Cela varie énormément, mais un prélèvement effectué au début de ma thèse dans une station d’épuration bretonne, a montré qu’il y avait presque 2 microplastiques par litre d’effluent, lorsque les eaux propres, en principe, retournent dans la rivière. Soit un rejet d’environ 2 millions de microplastiques par heure, compte tenu du débit de cette station.
« L’intérêt n’est pas de supprimer les microplastiques. C’est plutôt d’empêcher leur dissémination vers les cours d’eau, les rivières, les océans »
Margaux Kerdiles, doctorante en sciences environnementales
Concrètement, ça permettrait d’enlever combien de microplastiques ?
Sur mes tests effectués en laboratoire, il y a un taux de rétention de micro plastiques d’environ 60% pour les substrats inorganiques et de 80 % pour les substrats organiques. À terme, l’idée serait de développer la meilleure combinaison des deux (car on ne peut pas se permettre d’en faire qu’un).
Quelle est votre méthode, les outils utilisés et les difficultés rencontrées ?
Pendant ma première année de thèse, je travaillais beaucoup en laboratoire, sur un dimensionnement réduit afin de comprendre en détail les processus de rétention des microplastiques par les substrats. Maintenant, je travaille à la phase pilote, en serre, avec des plantes et des volumes beaucoup plus larges.
La difficulté majeure est l’aspect analytique de l’étude, plus précisément les phases de suivi et de quantification des microplastiques, mais mon laboratoire dispose heureusement de très bons moyens techniques.

À plus long terme, est-ce que ce système pourrait être utilisé par les collectivités pour limiter les microplastiques ?
C’est complètement l’ambition ! Le dispositif des ZRV serait adapté pour des petites ou moyennes stations d’épuration, car il faut respecter une certaine dimension en fonction de la taille de la station. Ce qui n’est pas plus mal car les stations d’épurations les plus petites et possédant moins de moyens sont susceptibles de relarguer davantage de microplastiques.
La collectivité du Pays de Saint-Malo, dont les ressources en eau sont limitées, a notamment étudié la possibilité de réutiliser les eaux usées, pour pallier ce manque. Votre découverte pourrait-elle la faciliter ?
Oui, il y a un décret qui vient de passer en ce sens. Alors, faciliter je ne sais pas, mais si cette réutilisation sert à l’arrosage public des stades de foot ou des espaces verts, cela permettrait d’utiliser une eau moins polluée et peut-être de rassurer les utilisateurs.
En conclusion, qu’est ce qui vous plaît dans ces travaux de recherche ?
Le sujet m’intéresse car il est en plein dans l’actualité et très concret. Le gros plus de cette thèse, c’est qu’il y a un partenaire privé dans l’encadrement de thèse. C’est un bureau d’études de St-Malo, Icema. Ils ont une expertise sur la maîtrise d’œuvre en zone aquatique, le génie écologique, des compétences que je n’avais pas. C’est un partage de connaissances très complémentaire et enrichissant.
Propos recueillis par Adèle CHARRIER