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INTERVIEW - "L’Agence Bretonne de la Biodiversité, premier réseau d'accompagnement environnemental en France"
- L’Agence Bretonne de la Biodiversité n’est pas connue du grand publIC
- Elle propose un accompagnement individuel ou collectif aux porteurs de projets « biodiversité » en Bretagne
- Les acteurs professionnels peuvent entrer en contact avec un conseiller via l’interface web MaQuestion #biodiversitéBZH
- Le point sur les projets en cours, avec son directeur, Florent Vilbert.
C’est un service public cofinancé par l’Etat et la Région, qui compare son action dans le domaine environnemental à celle des CCI dans le champ de l’appui économique. L’Agence Bretonne de la Biodiversité a constitué un réseau d’une centaine de membres et multiplie les initiatives, notamment numériques. Rencontre avec son directeur, Florent Vilbert, qui milite pour une approche transversale mêlant innovation, technologie et environnement, au service de la biodiversité bretonne.
On parle beaucoup de biodiversité ces temps-ci, il y a même un loto sur ce thème ! Comment réagissent les entreprises que vous rencontrez par rapport à cette thématique ?
Florent VILBERT – Je constate que les entreprises sont souvent démunies face à ces questions, et même fatiguées par les réglementations environnementales dont elles ne perçoivent pas toujours la logique. Le dialogue permet de faire tomber les préjugés, et c’est aussi le rôle de l’Agence Bretonne de la Biodiversité.
Globalement, par rapport à la performance environnementale, j’observe deux types d’attitudes chez les entreprises : les volontaires et les pragmatiques. Les volontaires disposent de plusieurs leviers pour agir. Par exemple, le statut d’entreprise à mission leur permet de poser un acte juridique fort pour travailler différemment. Cela fait appel à des notions d’éthique.
Elles peuvent également s’emparer des outils de mesure de l’impact sur la biodiversité, dans une approche globale, de l’amont (les fournisseurs) à l’aval (les produits ou services fournis), en passant par leur propre site de production. À cet égard, le Global Biodiversity Score (GBS) est un outil intéressant à connaître. La base, pour agir, c’est de comprendre !
Elles peuvent, enfin, se lancer dans la voie des audits biodiversité, pouvant déboucher sur des plans d’action. On peut citer celui de Bureau Veritas, Biodiversity Progress. Pour ma part, j’attends avec impatience la sortie prochaine d’une norme ISO internationale spécialisée biodiversité. Il existe déjà en France, la norme Afnor NF X32-001.
Les entreprises volontaires ont donc le choix. Mais aux autres, que vous appelez les pragmatiques, que dites-vous ?
Je leur rappelle que les réglementations sur la biodiversité ne vont faire que croitre. Actuellement, elles sont assez exogènes et conjoncturelles. Demain, la pression réglementaire relative à la biodiversité va devenir plus structurelle, sous la contrainte des limites planétaires. La question de la valeur monétaire de l’environnement commence à s’imposer. On parle désormais de comptabilité écologique, ou extra-financière. Avec l’adoption de la directive européenne CSRD, les rapports de développement durable vont devenir obligatoires au 1er janvier 2024 pour les entreprises de plus de 250 salariés et de 40 millions de chiffre d’affaires ou 20 millions d’euros de bilan. De fait, on a une extension du domaine de la réglementation à quelque 50.000 entreprises européennes. C’est aussi pour cela qu’on parle beaucoup de RSE ces temps-ci.
« Demain, la pression réglementaire relative à la biodiversité va devenir plus structurelle, sous la contrainte des limites planétaires »
Florent Vilbert, directeur de l’Agence Bretonne de la Biodiversité
Le grand public ne connait pas l’Agence Bretonne de la Biodiversité, que vous dirigez. Quel est son rôle ?
C’est vrai que nous sommes dans une logique BtoB, liée aux collectivités locales et aux acteurs porfessionnels du territoire breton. L’Agence est un service public cofinancé par l’État et la Région Bretagne pour accompagner les territoires dans leur prise en compte de la biodiversité. Les bénéficiaires ne paient pas pour nos services. Mais ceux-ci ont un coût puisque l’Agence dispose d’un budget annuel de 630.000 euros, avec 12 salariés.
L’Agence a lancé il ya quelques mois le réseau de l’accompagnement de la biodiversité bretonne. De quoi s’agit-il ?
Lancé en mars dernier à Rennes, ce réseau des acteurs de l’accompagnement de projets favorables à la biodiversité – c’est son nom complet – a nécessité deux ans de préparation. Il partage plusieurs outils communs et organise une articulation entre les acteurs. C’est le premier réseau d’accompagnement environnemental structuré en France, je ne suis pas allé vérifier à l’international ! On s’inscrit dans la même logique que la CCI, les Chambres d’agriculture, les Chambres des métiers, les technopoles, la French Tech… Mais tous ces exemples s’inscrivent dans le champ économique. Pourquoi les acteurs de la biodiversité ne seraient-ils pas aussi bien équipés que les acteurs économiques ? Il y a ici une forme de » transfert de technologie », de savoir-faire d’accompagnement formalisé vers le domaine environnemental.
Que proposez-vous, concrètement ?
Comme les réseaux que je viens de citer, nous proposons de l’accompagnement individuel ou collectif. Le collectif s’adresse à plusieurs porteurs de projets, réunis au sein de groupes de travail, avec de la communication partagée, des formations, des journées techniques, des forums, etc. Quant à l’accompagnement individuel, il permet à un porteur de projet de bénéficier d’un suivi sur-mesure. Et c’est là qu’intervient notre Réseau de l’accompagnement qui s’appuie sur un outil-socle: MaQuestion #biodiversitéBZH. On peut, grâce à ce point d’accueil, obtenir une première réponse ou une première orientation.
Comment être éligible à la démarche ?
Le projet doit être localisé en Bretagne, il doit être dédié à la biodiversité, comme les atlas communaux ou intercommunaux, les trames vertes et bleues, les aires éducatives, la végétalisation de cimetières… Autre possibilité : proposer un projet intégrant un volet biodiversité́, dans le cadre des opérations de renouvellement urbain, par exemple. Nous ne nous adressons donc qu’à des acteurs professionnels : collectivités, entreprises, associations… À ce jour, on reçoit déjà plus d’une centaine de sollicitations par an.
Quels outils utilisez-vous ?
Je vais vous en citer deux principaux. La grille de diagnostic, pour commencer. C’est un peu, au sens médical du terme, un outil commun qui permet de qualifier collectivement un projet, d’établir un premier diagnostic, d’identifier les acteurs qui vont être utiles pendant le processus d’accompagnement, de proposer quelques éléments de calendrier, etc. Cela permet au porteur de projet de gagner du temps. L’autre outil, essentiel, c’est le phasage.
Comment fonctionne-t-il ?
Le phasage de l’accompagnement vise à parler la même langue entre tous les acteurs. Ce qui n’est pas si simple ! Nous avons établi un langage commun à deux niveaux : le phasage du projet avec 4 étapes bien identifiées. Puis le phasage de l’accompagnement. Tout commence avec MaQuestion #biodiversitéBZH, accessible depuis le site de l’Agence. L’accompagnement débute dès cet instant, en permettant au porteur du projet de se poser des questions qu’il ne s’est parfois jamais posé. Cela permet de qualifier le projet et on sait alors vers qui l’adresser.
Qui peut poser sa question ? Ce n’est pas réservé aux membres du réseau ?
Absolument pas, c’est largement ouvert ! L’interface web a été mise en ligne en octobre 2021. On a recensé près de 50.000 pages vues en 2022, et nous avons permis 1.280 consultations de documents de nos partenaires ! La philosophie de la démarche, c’est une recette, avec trois ingrédients : des personnes ressources, de la documentation adaptée et du financement. Nous sommes sur un mélange des mondes : de l’environnement, de la tech, de l’innovation, car il ne faut pas les séparer, surtout quand on parle biodiversité, il faut utiliser tous les moyens.
Ce réseau est-il appelé à grandir ?
Du côté des contributeurs, pas énormément. Ce qui est important, c’est que la coordination entre la centaine de membres actuels soit de plus en plus fluide, et ce n’est pas si simple. Je pense que dans 5 ans, nous serons peut-être 200 partenaires au maximum. Ce n’est pas une course à la taille ! Ce qui prime, c’est l’efficacité.
Propos recueillis par Xavier DEBONTRIDE