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Grain de Sail veut embarquer de nouveaux clients sur ses voiliers-cargos
- Le voilier-cargo Grain de Sail 2 réalisera sa première traversée transatlantique au printemps
- Il peut emporter dans ses cales 350 tonnes de marchandises
- L’entreprise morlaisienne prévoit le lancement de 7 autres navires de ce type d’ici à 2028
Alignés le long du quai du port de Saint-Malo, les voiliers cargos Grain de Sail 1 et 2 ont fière allure. Ils préfigurent une nouvelle flotte de navires de transport décarbonés pour des liaisons transatlantiques. Les clients et prospects de la compagnie appartiennent au monde des vins et spiritueux, du luxe, mais aussi de l’industrie. Retour sur un pari industriel audacieux.
Olivier Barreau a les yeux qui pétillent lorsqu’il présente son nouveau voilier–cargo à un aéropage de professionnels de la logistique et du transport, venus le découvrir le long des quais de Saint-Malo à la veille de son baptême officiel, ce jeudi 11 janvier. Et c’est vrai qu’il en impose, avec ses 52 mètres de long, ses deux mats interminables et sa capacité d’emport de 350 tonnes de fret.
Amarré devant lui, Grain de Sail 1, lancé en 2020, aurait presque des allures de voilier de plaisance, avec ses « seulement » 24 mètres ! « Ce premier bateau était un démonstrateur, avec une taille modeste pour nous permettre de financer nos erreurs inévitables. Grain de Sail 2 est totalement issu de l’expérience acquise avec lui », résume avec simplicité Olivier Barreau, le président du groupe Grain de Sail, qu’il a cofondé à Morlaix en 2012 avec son frère Jacques.
À l’origine de ce projet un peu fou – mais à l’exécution parfaitement maîtrisée -, il y a la conviction que la décarbonation du transport maritime passait par une remise en question des modèles traditionnels.
Toutefois, les frères jumeaux Olivier et Jacques se sont gardés de tout lyrisme. Ils ont voulu prouver qu’il pouvait être possible de traverser l’Atlantique à la voile dans le cadre d’un projet industriel. Grain de Sail a d’abord créé une unité de torréfaction de café puis une chocolaterie, avant de lancer son premier voilier cargo pour ramener le cacao et les sacs de café nécessaires à la fabrication de ses produits.
« Nous ne sommes plus une exception, mais un nouveau partenaire de transport décarboné, qui va diminuer le plus possible l’empreinte carbone de la chaine de transport.»
Laurent Janeau, directeur général de Grain de Sail Logistics
Fidéliser de nouveaux clients
Avec Grain de Sail 2, qui a nécessité un investissement « d’un peu moins de 10 millions d’euros », il s’agit à présent de passer à l’échelle et d’embarquer à bord d’autres produits. C’est le sens de la création, au printemps, de Grain de Sail Logistics, la filiale commissionnaire de transports du groupe, pilotée par Laurent Janeau. « Nous offrons une prestation de transport qui s’intègre dans la supply chain de nos clients », explique-t-il avec le vocabulaire de la profession. « Nous ne sommes plus une exception, mais un nouveau partenaire de transport décarboné, qui va diminuer le plus possible l’empreinte carbone de la chaine de transport », ajoute-t-il. Ainsi, la société va se charger de préacheminer la marchandise jusqu’au quai d’embarquement, avec des moyens de transports routiers décarbonés.
Grain de Sail 2 n’a pas encore navigué sous ses 1500 m2 de voiles. Les premiers bords de réglage seront sans doute tirés en février, confie Gilles Lamiré, skipper professionnel reconnu du circuit de la course au large, qui rejoint l’équipage, avant de réaliser la première liaison Saint-Malo -New York au printemps. « Le départ sera donné entre le 15 mars et le 15 avril, pour 18 jours de mer », explique Laurent Jeaneau. Le voilier-cargo emportera dans ses cales, sur deux niveaux, l’équivalent de 240 palettes américaines ou 294 palettes européennes.
Tout l’enjeu des prochains mois consiste donc à fidéliser de nouveaux clients. Certains, comme les champagnes Charles Heidsieck, ont déjà testé avec succès la traversée à bord du Grain de Sail 1. « En 2022, pour le bicentenaire de la naissance de notre fondateur Charles Camille Heidsieck, nous avons relancé une cuvée qui avait eu son heure de gloire dans les années 70 et 80, et nous avons expédié quelques milliers de bouteilles de cette cuvée « Charly » jusqu’à New York de cette manière », raconte Stephen Leroux, directeur général de la maison de champagne. Même si ce mode de transport est plus coûteux qu’une traversée classique en porte-containers, il offre d’autres avantages, dont celui de rendre concrets les efforts de décarbonation de l’entreprise, certifiée B-corp. « Nous réfléchissons déjà à d’autres routes maritimes, et nous envisageons d’exporter 70 à 80% de nos champagnes de cette manière d’ici 4 à 5 ans », confie Stephen Leroux.
Détails de la mature et de l’accastillage XXL de Grain de Sail 2. Un voilier-cargo conçu pour assurer l’intégralité de la traversée à la force du vent.
Des industriels intéressés
Outre sa liaison Saint-Malo/New-York, Grain de Sail propose également une desserte des Antilles, pour transporter du rhum et des spiritueux. Et des traversées plus courtes, vers Londres et l’Ecosse par exemple, sont également envisagées. Parmi les prospects croisés dans les coursives du voilier-cargo, on note la présence de représentants d’un important groupe industriel dans l’aéronautique, d’un célèbre groupe de vins et spiritueux, ainsi que quelques fleurons du luxe à la française. Les négociations sont en cours avec plusieurs d’entre eux, et des annonces devraient être faites au printemps.
Quant aux frères Barreau, ils ont déjà les yeux rivés sur la suite de l’aventure : un plan de charge de 7 autres « sister ships » similaires à Grain de Sail 2 est annoncé. De quoi assurer, à partir de 2028, une rotation par semaine depuis Saint-Malo !
Montez à bord en vidéo, c’est par ici ! ⬇️
Xavier DEBONTRIDE