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Les professionnels troquent la camionnette pour le vélo
- En France, l’utilisation du vélo a progressé de 31% entre 2019 et 2022
- Les vélos cargos ont le vent en poupe
- De la logistique à l’artisanat, de nombreuses professions se tournent vers ce moyen de locomotion décarboné
La fréquentation cyclable en milieu urbain a augmenté de 34% entre 2019 et 2022, selon une étude de Vélo et Territoires. Le vélo s’émancipe. Certains artisans ou associations profitent de ce nouveau moyen de transport pratique et décarboné pour lancer leur activité en vélo-triporteur ou grâce à une remorque. L’aménagement de l’espace public pour les cyclistes ouvre la voie. Coup de projecteur sur les initiatives rennaises.
Livraison, artisanat, les vélos cargos offrent de nouveaux usages
La circulation n’effraie pas Raphaël Viot. Depuis mai 2023, le jardinier parcourt la capitale bretonne hissé sur son vélo triporteur, floqué Terréo Paysage. Pour lui, ce moyen de transport présente de nombreux avantages, à commencer par « la dimension sportive : « j’ai toujours aimé le vélo et la sensation de l’effort. Vient ensuite l’aspect financier : « j’économise de l’argent car je ne paye pas de carburant et je me charge de l’entretien du vélo et des réparations », mais surtout la motivation écologique et son souhait de « sobriété ».
Raphaël a acheté son vélo cargo chez Tout en Vélo. Créée en 2012, à Rennes, la société coopérative Tout en vélo innove en proposant des solutions cyclologistiques. « À l’origine, nous avons développé un service de logistique à vélo. Puis, en 2014, nous avons commencé la fabrication de remorques sur-mesure à assistance électrique, de vélos-cargo et de foodbikes« , raconte Samuel De Gentil, codirecteur de l’entreprise, qui compte aujourd’hui 80 salariés. « Nous nous adressons à des professionnels, en confectionnant du matériel adapté à leurs usages. « Le service de livraison s’adresse aux commerces de centre-ville en particulier. Il s’agit de remplacer les camionnettes qui sont souvent au 3/4 vides et qui polluent », se justifie Samuel De Gentil. Un avis partagé par Florian Le Villain, consultant politique et urbanisme cyclables auprès des collectivités. Mais, d’après lui, « la mise en place des ZFE (zones à faibles émissions) qui était censée développer l’utilisation de la livraison à vélo, tarde à se mettre en place ».
Les associations en selle !
Les associations aussi se mettent en selle. Rennes du Compost, créée en février 2021, collecte et valorise les déchets organiques des professionnels (restaurateurs, entreprises, boulangeries, épiceries, etc) à vélo, pour en faire du compost. « Les déchets sont ensuite acheminés vers la zone de compostage de la Prévalaye. Nous avons un espace réservé pour le compostage grâce à un accord de partenariat avec le Jardin des Mille Pas. Le compost est ensuite vendu sur place », résume Sophie Gimenez, cofondatrice de l’association. L’initiative est inspirante, mais pourquoi utiliser le vélo ? « L’ADN de Rennes du Compost, c’est la mobilité douce. Avec ce système, il y a une diminution des nuisances sonores et visuelles et de la pollution. Le vélo est léger, fluide, agréable. Il y a la notion d’accessibilité : on se faufile partout, dans les rues pavées. On ne gêne personne, on passe par les pistes cyclables ou le long du canal. Et parfois, on va même plus vite », insiste Sophie Gimenez, qui travaille avec quatre autres personnes. D’autres associations s’y mettent comme l’Équipière. La ressourcerie sportive effectue aussi ses collectes à vélo. Et c’est loin d’être la seule.
« Ce que je perçois, c’est que la ville est de plus en plus favorable aux cyclistes, ce qui encourage la pratique »
Florian Le Villain, consultant politique et urbanisme cyclables
Vers de nouveaux marchés ?
C’est en tout cas ce que croit Samuel De Gentil. Son entreprise Tout en vélo, qui a enregistré un chiffre d’affaires d’1,5 millions d’euros en 2022, commercialise une centaine d’appareils par an. « Le prix de l’attelage complet (vélo + remorque) varie de 5.000 à 10.000 euros ».
D’autres entrepreneurs ont aussi flairé la tendance. À Saint-Jacques de la Lande, près de Rennes, l’entreprise Galian Cycles vient de créer Le Formidable, “le premier cargotrail au monde”. Un appareil à mi chemin entre un vélo cargo et un longtail électrique, qui, d’après son constructeur “offre une alternative à la voiture en ville”. Mais gare à la démesure ! prévient Florian Le Villain, qui tient à mettre en garde sur la progression des engins trop volumineux.
Des aménagements cyclables à la hauteur ?
Pour celles et ceux qui l’utilisent au quotidien, les infrastructures peuvent encore être améliorées. Pourtant, Rennes Métropole en a fait l’une de ses priorités. La collectivité s’est fixé l’objectif de baliser 105 kilomètres de pistes cyclables au départ du centre-ville vers la première couronne, à l’horizon 2025.
Pour Florian Le Villain, qui conseille la collectivité, la démocratisation du vélo et ses nouveaux usages vont de pair avec l’évolution des aménagements cyclables. « Ce que je perçois, c’est que la ville est de plus en plus favorable aux cyclistes, ce qui encourage la pratique ». D’après une étude de Vélo et Territoires, l‘usage du vélo a ainsi progressé de 31 % entre 2019 et 2022 avec des chiffres plus élevés en ville. Sur les quais Emile Zola et Chateaubriand, 5.000 à 6.000 vélos circulent par jour. « Il y a quelques années, il y avait le même nombre de voitures, la tendance s’est inversée », remarque l’expert. Par ailleurs, « les aménagements cyclables ont tendance à s’élargir », selon lui. Il faut compter trois mètres pour une piste à double sens. Ces normes se basent sur les recommandations du Cerema. Par ailleurs, « la ville de Rennes s’interroge aussi en ce moment sur le stationnement des vélos-cargos », informe Florian Le Villain. L’entreprise Globe for You a peut-être trouvé la solution avec sa remorque de vélo pliable en fibre de lin…
Adèle CHARRIER