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La formation, un bien commun
Quand la sobriété questionne l'emploi
Construire l’économie de la sobriété, c’est le thème des deuxièmes Universités de l’économie de demain (UED) qui se tiennent au Couvent des Jacobins à Rennes le 9 février et dont MAPInfo est partenaire média. Parmi les nombreuses thématiques abordées, la question de la sobriété, clé de l’emploi du futur, fera l’objet d’un grand débat.
La sobriété est à la mode, et pas seulement durant le mois de janvier ! Appliquée à l’économie, cette approche se veut être une réponse concrète aux enjeux de la transition environnementale et sociétale. Faire mieux avec moins, limiter les externalités négatives des activités productives, encourager les circuits courts et la réparabilité… Autant de facettes de cette sobriété qui se retrouvent à l’affiche de la deuxième édition rennaise des UED, le 9 février. Echanges avec Marie-Laure Collet, présidente de l’APEC et Véronique l’Aot du Réseau Entreprendre Bretagne.
La formation, un bien commun
Parmi les débats qui ponctueront cette demi-journée d’échanges et de partages d’expériences, celui sur l’emploi du futur. Sobriété, croissance et plein emploi, est-ce possible ? Comment transformer les métiers et compétences de son organisation pour accélérer la transition écologique et sociale ? Quelles actions pour faire de l’inclusion un facteur de performance ? Autant de questions qui seront posées aux intervenants. Parmi eux, Marie-Laure Collet, présidente de l’APEC (Association pour l’emploi des cadres) et dirigeante du groupe de conseil en ressources humaines Kalicea. « Pour moi, relier sobriété et emploi se traduit par la volonté d’aller chercher la ressource humaine au plus près des besoins économiques du territoire », explique cette spécialiste du recrutement très active dans les réseaux bretons.
Selon elle, l’époque qui consistait à faire venir à grands frais en Bretagne un cadre supérieur (et sa famille) issu d’un grand groupe basé à Paris est peut-être révolue. « Cette pratique était très coûteuse, en termes de déménagement du foyer, de niveau de rémunération, et elle n’était pas toujours satisfaisante car l’intégration de ces profils dans une PME n’allait pas de soi », poursuit Marie-Laure Collet. Autre effet pervers potentiel : le dumping social induit par ces recrutements lointains peut à terme déstabiliser l’entreprise en renforçant un sentiment d’inégalité salariale.
« Le plus important, c’est de rendre l’entreprise apprenante tout au long de son développement, en lui permettant de faire grandir les compétences de ses collaborateurs ». Marie-Laure Collet, présidente de l’APEC
Pour éviter cette dérive, Marie-Laure Collet renvoie à la 7e proposition du Manifeste du Mouvement Impact France, l’organisateur des UED : « soutenir la transformation de nos territoires ». « Le plus important, c’est de rendre l’entreprise apprenante tout au long de son développement, en lui permettant de faire grandir les compétences de ses collaborateurs », affirme-t-elle. À ses yeux, la formation est à la fois une nécessité et un bien commun. Lorsqu’on forme correctement un collaborateur dès sa période d’essai, cette formation sera également utile au territoire et à son écosystème, même si le salarié quitte l’entreprise. Et qui sait, il pourrait bien revenir quelques années plus tard, enrichi à son tour par ses autres expériences !
On l’aura compris, la présidente de l’APEC défend l’idée d’un recrutement plus sobre à l’avenir. Mais pour quels emplois ? Selon une récente étude sur l’économie « verte » publiée en septembre 2022, l’APEC estime que 4,4 millions de personnes, dont 900.000 cadres travaillent dans l’économie verte, et que 97% des métiers sont « verdissants », c’est-à-dire qu’ils intègrent un impact environnemental dans leur définition. Cette tendance devrait fortement s’accélérer, souligne l’ADEME, qui estime que près d’un million d’emplois supplémentaires pourraient être créés d’ici à 2050 dans l’économie verte.
Créer des emplois durables
C’est précisément pour répondre à cette évolution que le Réseau Entreprendre Bretagne souhaite mettre l’accent sur l’impact. « Nous voulons clairement accompagner nos lauréats vers les transitions, et la recherche de la sobriété contribue à créer des emplois durables », explique Véronique L’Aot, déléguée régionale, qui a participé à la coordination de la journée UED du 9 février. Le réseau, qui fête ses 20 ans cette année, accompagne des créateurs ou repreneurs d’entreprises en Bretagne – une centaine actuellement – en leur accordant un prêt d’honneur et en leur proposant un mentorat de deux ans avec un pair entrepreneur. Afin d’intensifier cette orientation, un système de bonification des prêts en fonction de l’impact des projets accompagnés est envisagé à partir de l’année prochaine.
Si les UED s’inscrivent dans une démarche nationale portée par le Mouvement Impact France, les déclinaisons régionales qui sont proposées permettent d’identifier des actions propres à chaque territoire. En Bretagne, les initiatives se multiplient depuis quelques temps, avec l’apparition de nouveaux réseaux d’acteurs, comme Entrepreneurs pour la Planète, ou les formations de la Convention des Entreprises pour le Climat qui se déclinent désormais en régions. À l’échelle politique, le conseil régional de Bretagne finalise de son côté sa Stratégie régionale des transitions économiques et sociales, qui devrait être adoptée en avril prochain. Le principe de l’éco-conditionnalité des aides versées par la région devrait y trouver sa place, pour encourager les initiatives les plus vertueuses. La sobriété, quand elle rime avec efficacité, semble avoir de beaux jours devant elle.
Xavier DEBONTRIDE