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INTERVIEW - "Grâce à la géothermie, on arrive à subvenir jusqu'à 90% des besoins de chaleur l'hiver"

- la ligne b du métro rennais est couplée à un système de géothermie
- 4 stations sont concernées
- 112 logements vont en bénéficier
- ce système innovant permet de couvrir près de 80% des besoins en chauffage et eau chaude
La ligne B du métro rennais est la seule en France à utiliser la géothermie pour chauffer des logements. Une innovation aujourd’hui entachée par l’arrêt jusqu’au printemps 2024 de cette même ligne, suite à un incident technique majeur. Heureusement pour les habitants, ce système de chauffage n’est pas lié au mouvement des rames mais à la récupération de la chaleur du sol qui entoure les 4 stations de métro ( Cleunay, Sainte-Anne, Saint-Germain et Jules Ferry) où cette technologie est mise en place. Entretien avec Elisabeth Gonçalves, chargée de développement urbanisme et énergies renouvelables urbaines à Rennes Métropole.
Pouvez-nous expliquer en quoi consiste la géothermie mise en place dans 4 stations du métro rennais ?
Elisabeth Gonçalves – Même si le métro est à l’arrêt, la géothermie est liée au sol et non à la chaleur du métro. Par exemple, les logements concernés à la station Cleunay en ont bénéficié avant même le lancement de la ligne. C’est la température du sous-sol à une profondeur de 20 à 30 mètres, qui est stable et tourne autour de 10 à 14 degrés, qui génère de la chaleur ou du rafraîchissement si cela est demandé par les immeubles. C’est ce qu’on appelle de la géothermie superficielle très basse énergie. Nous avons profité des trous creusés pour ces stations pour installer des kilomètres de serpentins dans les parois en béton des stations. C’est extrêmement novateur car nous sommes les seuls en France à utiliser ce système intégré dans le métro pour chauffer des logements collectifs. Aujourd’hui en France, les système de chauffage et rafraîchissement basés sur la géothermie très faible profondeur sont réalisés à l’aide de sondes mises en place dans le sol par des forages ou dans les pieux de fondation des immeubles. Nous avons donc économisé les forages des sondes géothermiques.
Quels retours d’expérience faites-vous depuis sa mise en place ?
Elisabeth Gonçalves- Début mars 2022, ce sont 54 locataires et propriétaires qui se sont installés dans la résidence l’Emblème et une copropriété, construites par Néotoa, situées au-dessus de la station Cleunay. Ces 2 bâtiments ont une chaufferie commune. Les premiers résultats montrent que l’on arrive à subvenir à 90% des besoins en pointe hivernale, 60% l’été. C’est une chaudière à gaz qui prend le relais de la pompe à chaleur géothermique. Pour les 10 logements à la station Saint-Anne, la pompe à chaleur est bien dimensionnée, on obtient des résultats encore meilleurs en hiver. Les économies de consommation de gaz annuels sont de l’ordre de 20 à 30 %. L’été, en revanche, nous n’obtenons pour l’instant pas une production satisfaisante. ENGIE Solution qui est le mainteneur des pompes à chaleur pour la copropriété et ARCHIPEL travaillent à optimiser ces réglages. À Saint-Germain et Jules Ferry, les habitants vivent leur premier hiver. Au total, ce sont 112 logements qui sont concernés par ce système.

« Les premiers résultats montrent que l’on arrive à subvenir à 90% des besoins de chauffage et eau chaude sanitaire en pointe hivernale. »
Elisabeth Gonçalves, chargée de développement à Rennes Métropole
Comment avez-vous eu l’idée de mettre en place la géothermie ?
Elisabeth Gonçalves – Il faut bien comprendre que ce projet a été lancé 10 ans avant la construction de ces immeubles ! L’idée est née en 2012-2013. Entre le moment où on l’imagine et sa réalisation effective, une décennie s’est écoulée. Nous avons commandé une étude qui a validé le concept, prouvant que le captage géothermique était le plus adapté d’un point de vue économique et environnemental. Cela a nécessité un avenant à la maîtrise d’oeuvre du métro. Il y a eu derrière une véritable volonté politique d’action sur les énergies renouvelables, un bureau de contrôle ouvert à l’innovation, et une maîtrise d’œuvre du métro qui avait aussi une expertise en bâtiment, c’est tout cela qui a permis au projet d’être mené à bien. C’est très positif parce que cela montre que les transitions énergétiques sont possibles. C‘est une technologie low tech avec énormément de temps passé et de matière grise à inventer une méthodologie contractuelle et organisationnelle, et à convaincre et coordonner des acteurs de la ville qui n’ont pas pour habitude de dialoguer entre eux .
Le surcoût d’investissement est inférieur à 100 000 euros pour les 4 stations. Cette innovation a été homologuée par le projet SMILE sur les réseaux énergétiques intelligents (smart grids). Le chauffage issu de l’eau tempérée par la géothermie est gratuite pour les bailleurs des logements concernés, en contrepartie ils participent aux frais de maintenance et au suivi de l’exploitation (performance énergétique) qui est instrumenté par la Métropole les deux premières années puis restitué aux bailleurs et copropriétaires. C’est une première expérimentation.
Cette première a-t-elle donné envie à d’autres collectivités de se lancer ?
Elisabeth Gonçalves – Le Grand Paris nous a contactés mais leurs tentatives ont échoué, principalement dû à des freins de gouvernance et liés à l’innovation technologique. Comme je vous l’ai dit, tout cela doit se prévoir bien en amont ! Des villes comme Bordeaux et Toulouse s’intéressent aussi de près à ce que nous avons fait pour des nouveaux quartiers (ZAC) qui mettent en place des boucles tempérées géothermiques.. Ce système pourrait s’appliquer dans les stationnements enterrés des grandes villes, par exemple. Les collectivités tentent de trouver des solutions pour réduire leur impact environnemental et trouver des nouvelles solutions énergétiques durables. De notre côté, un projet de Recherche public-privé soutenu par l’ADEME, piloté par le BRGM (service géologique national) associé à EGIS, KEOLIS et Aquassys et plusieurs laboratoires de recherche (Université de Rennes1-INSA, 3SR de Grenoble), est lancé pour approfondir les connaissances techniques et scientifiques. Et aider à sa mise en œuvre future dans d’autres ouvrages.
Vous voulez en savoir plus sur les alternatives énergétiques, lisez cet article de MAPInfo sur les réseaux de chaleur.
Propos recueillis par Céline MONSALLIER