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Quand la biodiversité marine sauve des vies

ecole de l'exploration
Conférence de Muriel Bardor d'Alga Biologics qui travaille sur les microalgues pour créer des anticorps.
 
  • L’ÉCOLE DE L’EXPLORATION, À SAINT-MALO, SE PENCHE SUR L’OCÉAN ET LA RECHERCHE MÉDICALE 

 

  • DES MICROALGUES SONT ENVISAGÉES POUR GUÉRIR DES CANCERS PÉDIATRIQUES
 
 
  • 70% DE NOS GÈNES SONT COMMUNS À L’OURSIN
 
 
 
 

C’est face à la mer, sur le sillon de Saint-Malo, que scientifiques, chercheurs, passionnés de la mer, se sont réunis, durant 2 jours, à l’École de l’exploration. Le thème, cette année:  l’avenir de l’océan et la recherche médicale. Les conférences ont permis de mettre en avant les avancées médicales issues des océans, les liens entre santé de la mer et santé humaine. À l’arrivée, un constat : la biodiversité marine a les clés pour sauver des vies.

Des médicaments à partir de microalgues

Alga Biologics, start-up issue de l’université de Rouen Normandie, développe une production d’anticorps à partir de microalgues pour répondre notamment au traitement d’un cancer pédiatrique, le neuroblastome. « Nous avons décidé de nous pencher sur ce type de cancer car peu de médicaments le soignent, à des prix exorbitants et ils sont relativement peu efficaces, ils n’assurent qu’une chance de survie sur deux pour les enfants atteints », explique Muriel Bardor, chercheure et co-fondatrice d’Alga Biologics. Après plus de 10 ans de recherche, l’équipe a pu démontrer la capacité des micro algues telles que la diatomée Phaeodactylum tricornutum à produire et sécréter naturellement des anticorps analogues à ceux synthétisés par les cellules humaines. « Nous venons d’installer une plateforme de production de microalgues de 200 litres. L’objectif est de pouvoir réduire les coûts de production de 70% des médicaments », précise Muriel. 

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Photo de microalgues utilisées pour créer des anticorps. Crédit photo Alga Bionics

Les biomédicaments en plein développement

Evidemment, le chemin est encore long. L’équipe de 8 personnes vient de démarrer les essais pré cliniques, avant d’envisager la phase clinique chez les patients en 2026 pour une commercialisation envisagée vers 2031-2032. « Quand j’ai débuté en tant que chercheure académique sur cette question, il y a une douzaine d’années, on nous trouvait trop innovant. Le Covid est passé par là avec cette prise de conscience qu’il fallait développer les biomédicaments », analyse-t-elle. Soutenu notamment par France 2030, Alga Biologics voit dans les microalgues une nouvelle plateforme de valorisation des anticorps anti-infectieux, dirigés contre des maladies auto-immunes, qui peuvent à terme créer des médicaments pour soigner d’autres pathologies que les cancers. « Le monde de la recherche a aujourd’hui une meilleure connaissance de la biodiversité marine et de la biologie de certains organismes, c’est un potentiel énorme sachant que nous ne connaissons que 10% des centaines de milliers d’espèces qui vivent dans les océans », conclut Muriel. 

« La biodiversité marine, c’est un potentiel énorme. Nous ne connaissons aujourd’hui que 10% des centaines de milliers d’espèces qui existent  »

Muriel Bardor, chercheure et co-fondatrice d’Alga Biologics

70% de gènes identiques avec l’oursin

Lors de ces journées de découverte de la santé marine, il était aussi question de recherche fondamentale. Julia Morales est directrice de recherche CNRS à la station biologique de Roscoff, spécialisée dans l’étude de la division des cellules en utilisant l’oursin comme modèle expérimental. Pourquoi s’intéresser à cet « animal marin, échinoderme, sphérique et muni de piquants », comme le définit le Larousse ? « L’oursin produit une grande quantité d’œufs facilement accessibles et dont la division cellulaire après fécondation est rapide et synchrone. Nous essayons de comprendre les mécanismes qui contrôlent la division des cellules. Quand vous avez une division non contrôlée, vous avez des cancers. Notre objectif en recherche fondamentale, c’est de donner des clés, pour que des chercheurs comme Muriel Bardor, sachent comment cibler les médicaments ». Et il y a 70% de gènes identiques entre l’humain et l’oursin ! Ramassés sur la grève à côté de Roscoff ou en rade de Brest, ces échinodermes sont maintenus en aquarium à la station biologique. « Nous avons conscience de travailler sur de la matière vivante, qui doit être utilisée de manière raisonnée », explique Julia Morales. La chercheure partage le point de vue de Muriel Bardor et souligne elle aussi  l’extraordinaire potentiel qui peuple les océans. « La biodiversité marine, ce sont des millions de molécules marines, de modèles biologiques, d’écosystèmes…C’est un puits de connaissances ». Qui doit rester en vie. Les scientifiques présents ont affirmé, d’une même voix, que la recherche biosourcée est l’avenir et qu’une mer morte emporterait avec elle des connaissances énormes, qui, à terme, pourraient permettre de prendre soin des Hommes.

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Julia Morales, directrice de recherche au CNRS à la station biologique de Roscoff – Photo d’oursin- Crédit photo CNRS/SU/SBR/Wilfried Thomas. 

Explorer le monde depuis la mer

L‘Ecole de l’exploration est une association, créée à Saint-Malo en 2021, qui, selon ses fondateurs, « est une communauté d’apprentissage, de recherche et d’action dédiée à la mer et à l’océan ». Ces 2 journées interdisciplinaires, en partenariat avec The Octopus’h, avait pour but de mettre en avant la place de l’Océan dans la recherche médicale, place encore méconnue. Outre Muriel Bardor et Julia Morales, était aussi présent Franck Zal fondateur d’Hemarina, qui a découvert les vertus du ver marin, comme transporteur d’oxygène, utilisé notamment dans le cadre de greffes. Acteurs scientifiques, associations, étudiants ont pu explorer le monde marin, face à la mer, et repartir convaincus que la santé bleue et la santé humaine sont intiment liées.

Céline MONSALLIER

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