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INTERVIEW - "Les protéines des algues ont un réel potentiel nutritionnel"
-Le programme PROMALG-Health est lancé en avril 2024
-Objectif : proposer de nouvelles sources de matières premières riches en protéines
-Ces macroalgues créent des apports nutritionnels prometteurs
Le programme PROMALG-Health veut proposer de nouvelles sources de matières premières riches en protéines pour le secteur de la santé. Le CHU de Brest va tester différentes espèces de macroalgues comme nouveaux apports nutritionnels pour les patients. Quelques 11 partenaires tels que le laboratoire d’économie et de gestion de l’Ouest (LEGO) de l’Université de Bretagne Occidentale (UBO) et le laboratoire de biotechnologies et chimie marine (LBCM) de l’Université Bretagne Sud (UBS) portent ce projet, d’une durée de cinq ans, qui démarre en avril 2024. Entretien avec Audrey Fontaine, coordinatrice du programme au LEGO.
En quoi consiste ce programme autour des algues ?
Audrey Fontaine – C’est un projet très ambitieux parce qu’il réunit pas moins de 11 partenaires (LEGO, LBCM, LEMAR, IRDL, NuMeCan, PNCA, STLO, Actalia, France Haliotis, Algue Service, CHU de Brest), avec des acteurs différents: laboratoires de recherche, entreprises, et cela mêle aussi des sciences fondamentales et des sciences humaines. Nous avons répondu ensemble à l’appel à projet qui s’inscrit dans le cadre de la stratégie d’accélération “Alimentation durable et favorable à la santé” de France 2030.
Il répond également à la stratégie bretonne Breizh Cop sur l’économie circulaire du bien manger pour tous et l’accélération et le développement durable des filières halieutiques et des biotechnologies marines. C’est un projet sur 5 ans pour un budget de près de 3 millions d’euros. Avec Promalg-Health, nous touchons à toute la chaîne de valeur des algues, de la production à l’assiette en répondant à une problématique liée à l’alimentation dans le secteur de la santé.
Les protéines des algues permettent de diversifier l’alimentation ?
Audrey Fontaine – Le CHU de Brest a un enjeu de diversification des protéines dans l’alimentation. Le programme va permettre de proposer l’algue sous deux formes : en entier et en poudre. Par exemple, pour un plat de poisson en sauce, l’ajout d’algues entières avec leur apport de protéines peut permettre de diminuer le grammage du poisson et ainsi baisser l’impact carbone de cette assiette. L’autre forme, c’est une poudre d’algues.
Dans les établissements de santé, elles sont utilisées pour répondre aux problématiques de dénutrition ou de risques de dénutrition de personnes fragiles. Aujourd’hui ce sont des protéines laitières qui sont proposées, les protéines végétales pourraient ainsi les remplacer. Ces protéines d’algues ont donc un vrai rôle à jouer pour une alimentation saine et durable à l’hôpital.
« Ces protéines d’algues ont un rôle à jouer pour une alimentation saine et durable à l’hôpital. »
Audrey Fontaine, coordinatrice du programme Promalg-Health au LEGO
Production, extraction, digérabilité, vous ne manquez pas de sujets à étudier pendant 5 ans…
Audrey Fontaine – La force de ce programme est sa pluridisciplinarité. Nous allons étudier la capacité en protéines des 3 macroalgues. Elles sont déjà riches en protéines, l’objectif avec notamment les équipes de France Haliotis, producteur d’ormeaux et d’algues à Plouguerneau, c’est de voir comment obtenir plus de protéines en fonction de la saisonnalité et du mode de production.
Un autre volet à l’étude, c’est l’extraction de la protéine d’algue pour en faire de la poudre. C’est extrêmement complexe à extraire tout en garantissant des procédés écologiques, non chimiques. On veut rester le plus naturel possible pour avoir la protéine la plus pure. Mais on doit aussi faire des tests de digérabilité et étudier les risques allergènes. L’Inrae notamment va travailler sur ces problématiques, il y a peu de travaux sur l’algue en tant que protéine.
Qu’en est-il de l’acceptabilité du consommateur ?
Audrey Fontaine – Elle va évidemment être prise en compte ! Il va y avoir au sein du LEGO une étude comportementale sur l’acceptation des algues, comprendre les freins et leviers au moment des tests et des recettes. Nous allons regarder de près le sensoriel, le gustatif, le visuel, l’odorat. Nous allons créer des prototypes d‘assiettes avec des algues que l’on va tester auprès du grand public et des seniors. Il va y avoir aussi des études environnementales, logistiques et économiques de la filière.
Ce programme et les résultats associés vont mettre en avant qu’il faudra plus de production d’algues pour répondre potentiellement à tous les hôpitaux de France. Nous allons ouvrir toutes les connaissances du projet pour que des acteurs se lancent sur de l’algoculture à destination du secteur de la santé, mais pas que ! Les protéines des algues peuvent aussi être développées pour d’autres profils, sportifs, scolaires. Il y a déjà des cuisiniers des écoles de bord de mer qui mettent des algues dans les assiettes des enfants !
Propos recueillis par Céline MONSALLIER