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Energy Observer met le cap sur de nouveaux projets décarbonés

Jean-Baptiste Sanchez, l'un des deux capitaines d'Energy Observer 1, sur le pont du navire à quai à Saint-Malo (©Xavier Debontride)
 

 

  • Le navire-laboratoire vient de boucler l’équivalent de trois tours du monde
 
 
  • L’heure est aux bilans pour les marins et les scientifiques


  • L’équipe de Victorien Erussard planche déjà sur de nouveaux navires décarbonés
 
 

De retour à Saint-Malo, son port d’attache, sept ans après son premier départ, Energy Observer en a profité pour faire découvrir ses innovations au grand public. Eolien, hydrolien, solaire : le navire a prouvé qu’on pouvait naviguer loin et longtemps avec les énergies renouvelables. Rencontre sur le pont avec l’un de ses deux capitaines, Jean-Baptiste Sanchez.

Concentré de solutions d’énergies décarbonées

C’est une coque étrange aux allures de libellule étincelante qui a retrouvé son port d’attache au pied des remparts de Saint-Malo, mi-juin. Sept ans après son premier voyage et plus de trois tours du monde plus tard – soit 68.000 milles nautiques parcourus, l’équivalent de 126.000 kilomètres -, l’heure est aux bilans pour le navire-laboratoire Energy Observer. Et ici, le pluriel s’impose tant la quantité d’informations scientifiques et techniques recueillies depuis 2017 est impressionnante. Il suffit, pour s’en convaincre, de feuilleter la brochure d’une centaine de pages éditée à l’occasion de ce retour. Année par année, elle recense les découvertes, les rencontres, les observations et les résultats emmagasinés sur cet ancien trimaran de course (skippé par Mike Birch en 1984), entièrement transformé par le Malouin Victorien Érussard et son équipe.

Aujourd’hui, le visiteur qui pose son pied (déchaussé !) sur le flotteur tribord pour accéder au cockpit a du mal à reconnaitre la silhouette originelle du voilier. Entièrement couvert de panneaux photovoltaïques, le pont scintille au soleil. Le mat central, lui, a disparu, remplacé par deux mats-ailes latéraux, en forme de goutte d’eau. Mais les innovations les plus décisives se trouvent dans la coque, qui abrite une pile à combustible fonctionnant à l’hydrogène produite à bord.

Les flotteurs d’Energy Observer abritent en effet un impressionnant concentré de solutions d’énergies décarbonées. « Notre objectif est simple : il s’agit de tester des briques technologiques en conditions hostiles. Et pour cela, les océans offrent un terrain jeu idéal ! » résume avec humour Jean-Baptiste Sanchez, l’un des deux capitaines du navire.

 

Le pont est entièrement couvert de cellules photovoltaïques (plus de 200 m2!) (©X. Debontride)

Trois types de panneaux photovoltaïques

Au centre du carré (l’espace central du navire), trônent deux écrans qui ne dépareraient pas dans un environnement industriel. Et pour cause : il s’agit de l’EMS (Energy Management System) qui permet de piloter en temps réel la production et la consommation d’énergie à bord. Sur l’image du navire en 3D, on peut voir des rectangles rouges qui recouvrent le moindre espace de coque disponible : ce sont les panneaux photovoltaïques. Ils sont passés de 90 m2 au lancement du projet à … 202 m2 aujourd’hui. Et comme l’explique avec un brin de fierté Jean-Baptiste Sanchez, on en trouve désormais de trois sortes : des lisses, des antidérapants (très pratiques pour se déplacer sur le bateau sans risquer de glisser), et même des bifaciaux. Ces derniers, comme leur nom l’indique, sont à double face, la face inférieure captant la lumière du soleil réfléchie par la mer.

Dès le départ du projet, ses concepteurs ont voulu prouver qu’il était possible de produire de l’énergie de manière autonome à bord d’un navire et de lui permettre ainsi de parcourir de longues distances. Energy Observer combine ainsi trois sources d’énergies renouvelables : l’éolien, l’hydrolien et le solaire. Et le stockage de cette énergie est assurée de deux façons complémentaires : un stockage court terme grâce à un parc de batteries lithium-ion de 400 volts, et un stockage long terme grâce à huit réservoirs d’hydrogène. « Nous disposons à bord d’une chaîne complète de production d’hydrogène », précise Jean-Baptiste. L’eau de mer est dessalinisée pour être transformée en eau douce, qui passe ensuite dans un purificateur pour la déioniser. À la faveur d’une électrolyse, on sépare les molécules d’eau (H2O) pour ne conserver que l’hydrogène (H2). Située à l’avant du bateau, une pile à combustible Toyota – du type de celle qui équipe la voiture électrique Mirai -, convertit (en silence) cet hydrogène issu à 100% d’énergies renouvelables, en électricité et en chaleur. Cette pile à combustible permet de restituer l’énergie lorsque les conditions de production en temps réel ne le permettent pas suffisamment, faute de vent ou de soleil.

« Notre objectif est simple : il s’agit de tester des briques technologiques en conditions hostiles. Et pour cela, les océans offrent un terrain jeu idéal ! »

Jean-Baptiste Sanchez, capitaine d’Energy Observer 1

Deux autres navires et un Observatoire de l’Énergie

Conçu comme un démonstrateur, Energy Observer 1 avait pour ambition d’apporter des solutions adaptées à la grande plaisance (voiles, autonomie énergétique d’un voilier…). Mais Victorien Erussard n’entend pas en rester là. Après avoir annoncé en 2022 son intention de lancer un navire de charge (porte-containers) bas carbone de 160 mètres alimenté par des piles à combustibles et de l’hydrogène liquide (Projet Energy Observer 2), il planche déjà sur une version 3, un nouveau navire laboratoire qui prendra la relève du N°1 en explorant dix nouvelles briques technologiques. Mené par le bureau d’études interne EOConcept, la construction de ce nouveau navire devrait démarrer au second semestre 2025, pour un objectif de mise à l’eau à l’été 2026.

Enfin, fidèle à son port d’attache malouin, Energy Observer rêve d’y implanter L’Observatoire de l’énergie, « une destination culturelle à la croisée des sciences et des techniques, de l’art, de l’histoire et de l’anthropologie ». S’il est trop tôt pour en savoir plus sur les contours de ce projet ambitieux, on peut parier sans risque que l’Energy Observer1 sera amarré non loin, comme une dernière escale porteuse de sens.

Le futur cargo Energy Observer fonctionnera à l’hydrogène liquide. A droite, vue d’artiste du projet de l’Observatoire de l’energie, à Saint-Malo (©Energy Observer-Kadeg Boucher)

Xavier DEBONTRIDE

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