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Ce laboratoire lutte contre le gaspillage dans la restauration collective
- À elle seule, la restauration collective représente 8% du gaspillage alimentaire total en France
- Face à cette problématique, le laboratoire Labocea accompagne les cantines collectives du 35, 22 et 29
- Avec d’autres structures, les consultants de Labocea ont créé COOL FOOD PRO, une plateforme qui calcule l’empreinte carbone des assiettes de la restauration collective
Depuis 2015, le laboratoire public Labocéa accompagne les établissements scolaires, hôpitaux, EHPAD et cantines collectives d’Ille-et-Vilaine, du Finistère et des Côtes-d’Armor pour réduire le gaspillage alimentaire de la restauration collective. Coup de projecteur sur son action positive.
Le gaspillage alimentaire du secteur de la restauration collective représente 8% du gaspillage alimentaire total en France (ADEME, 2020). Pour lutter contre ce fléau, de nombreuses initiatives existent. En Bretagne, le laboratoire public Labocéa accompagne depuis 2015 les établissements scolaires, hôpitaux Ehpad et cantines collectives privées d’Ille-et-Vilaine, du Finistère et des Côtes-d’Armor dans cette démarche.
Souvent mandatés par les conseils départementaux, cinq experts se répartissent les structures. Pierre Le Borgne, consultant sécurité alimentaire et réduction du gaspillage, est l’un deux. « Nous les suivons généralement pendant quatre mois. L’impact est rapide car les actions à mettre en place sont relativement simples », explique l’expert.
Un premier diagnostic des usages
La première phase d’accompagnement est celle du diagnostic. « Nous passons trois jours avec l’équipe de restauration pour réaliser un audit des pratiques et pour peser chaque produit qui sort de la cuisine », relate Pierre Le Borgne. Au niveau des quantités, les équipes de restauration doivent, en théorie, suivre les recommandations de la GEM-RCN ( Groupement d’étude des marchés de la restauration collective et nutrition) mais dans les faits, ce n’est pas toujours le cas. La deuxième étape consiste à peser les denrées comestibles qui restent dans les assiettes et qui sont destinées à la poubelle. « On montre aux convives comment faire, en installant des balances, puis ce sont eux qui prennent en main l’outil, en autonomie ».
« Les légumes boudés »
Sans surprise, le résultat reflète les pratiques alimentaires. « Ce sont souvent les légumes qui sont boudés », remarque l’expert. D’après lui, l’explication viendrait du fait que, culturellement, nous sommes habitués à un régime carné et que les façons de cuisiner les légumes ne sont pas aussi bien maîtrisées que celles des viandes. Au collège Charles Le Goffic de Lannion par exemple, 25 % du gaspillage provenait des poêlées de légumes.
L’accompagnement du Labocéa sert à inverser la tendance. Dans cet établissement, les quantités de déchets consommables sont passées de 43 kg par jour – soit 98 grammes par élève au début de l’opération – contre 20 kg soit 46 grammes par élève à la fin. « Sachant qu’ici on ne parle que du déchet, mais il faut savoir que lorsqu’on gaspille un aliment, on gaspille aussi toute l’énergie utilisée pour le produire », souligne Pierre Le Borgne.
« Ici on ne parle que du déchet, mais quand on gaspille un aliment, on gaspille aussi toute l’énergie utilisée pour le produire »
Pierre Le Borgne, consultant réduction du gaspillage pour Labocéa
De nombreuses solutions, côté cuisine
Mais alors, quelles sont les meilleures solutions pour arriver à un tel résultat de réduction du gaspillage? « Il y a énormément de leviers actionnables », indique le consultant. Du côté de la cuisine, le (ou la) chef peut commencer par « mieux anticiper les quantités pour réduire les grammages ». Mais la réduction du gaspillage passe aussi par la formation des cantinières. « Elles peuvent faire en sorte que les assiettes ne soient pas préparées à l’avance, en les adaptant à la faim du convive ». La communication est donc la clef. Cette règle s’applique aussi aux échanges entre le personnel de la cantine et l’équipe éducative. « Apprendre qu’une classe termine plus tôt permet de ne pas prévoir plus que nécessaire », assure Pierre Le Borgne.
D’autres économies de détritus peuvent aussi être faites au niveau de la décoration des assiettes, notamment sur la fameuse feuille de salade, à côté de la tranche de pâté, qui part systématiquement à la poubelle. En substitut, « il existe aujourd’hui de la jolie vaisselle, qui met en valeur l’aliment sans avoir besoin de rajouter quelque chose », garantit l’expert.
Rendre visible les volumes jetés
Les élèves, quant à eux, sont sensibles aux affiches de communication et aux résultats des pesées. La mesure la plus efficace reste sans doute celle de rendre les détritus visibles. « Le simple fait de ne plus jeter ses déchets dans une poubelle noire, mais dans des bacs en plastique transparent permet de se rendre compte des volumes jetés », reconnait Pierre Le Borgne. D’après lui, « les selfs collaboratifs et les bar à salades en libre-service sont aussi des solutions prometteuses. Oui, les enfants risquent d’avoir les yeux plus gros que le ventre au début, mais à l’usage ce fonctionnement limite les pertes, d’après Pierre Le Borgne. Dans les collèges Penn Ar C’hleuz à Brest et du Val-de-Rance à Plouër-sur-Rance, les quantités jetées ont été réduites à 30 grammes, par élève et par jour, grâce à ce mode de service.
Les bénéfices de la réduction du gaspillage alimentaire sont écologiques, mais aussi économiques et utiles en matière de santé publique. (©Photos d’illustration – Canva)
Réduire le gaspillage… et le bilan carbone !
Lorsque les efforts paient au niveau de la réduction du gaspillage, les établissements peuvent s’attaquer à l’impact écologique au sens large. Pour cela, le Laboratoire Labocéa, en collaboration avec quatres autres structures françaises et britanniques (dont l’UBO), a développé CoolFoodPro. Financé dans le cadre d’un programme européen, cet outil permet de chiffrer le bilan carbone des aliments de la restauration collective. Ce dernier est calculé sur la base de 5 critères : la saisonnalité du produit, son apport local, la certification biologique (ou non), la réduction de la portion animale et le gaspillage alimentaire.
En Bretagne, une centaine d’établissements ont déjà testé l’outil, qui en accès libre. À la clef, « les bénéfices ne sont pas seulement écologiques. Derrière il y a un impact financier mais aussi sur la santé, précise Pierre Le Borgne. « En définitive, dans notre action, ce n’est pas le chiffre qui compte, mais que les gens se posent des questions. Et en s’adressant aux scolaires, on touche les citoyens de demain », conclut l’expert.
Adèle CHARRIER