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En Bretagne, l'anti-gaspi fait de plus en plus d'adeptes
- Rien qu’en Bretagne 200 000 tonnes de légumes sont gaspillés chaque année à cause des écarts de tri
- Sur le nombre, la coopérative Finisterestes estime en sauver 10.000 tonnes
- L’anti-gaspi est plébiscitée par les Bretons en ces temps d’inflation
Soucieux de réduire leurs déchets ou contraints par la baisse de leur pouvoir d’achat, les Bretons ont fait une place à l’anti-gaspi dans leurs habitudes de consommation. La société Finisterestes a flairé la tendance. Depuis 2021, elle sauve les produits qui ne répondent pas aux standards de distribution, chez les producteurs, pour les revendre, via des points de vente dans les petits commerces. Dans le même temps, To Good To Go, le leader national de l’anti-gaspi, tourne à plein régime. L’application compte pas moins de 400.000 utilisateurs dans la région. Tour d’horizon du phénomène anti-gaspi en Bretagne.
Sauver de la poubelle les produits déclassés
Saviez-vous qu’en France 16 % de la production légumière est jetée chaque année à cause des écarts de tri ? Et que, rien qu’en Bretagne, 200.000 tonnes de fruits et légumes sont gaspillés, tous les ans, avant même de rejoindre les étals des supermarchés ? C’est de ce constat saisissant qu’est né Finisterestes.
La coopérative, lancée en novembre 2021 par Karim Vincent-Viry, sauve les fruits et légumes non-calibrés de la poubelle et revalorise les produits déclassés. « Ils sont tout aussi frais avec les mêmes qualités gustatives, mais ils sont écartés de la vente, car ils sont trop gros, trop petits, biscornus et qu’ils ne répondent pas au cahier des charges de la grande distribution », explique Karim Vincent-Viry, le PDG de l’entreprise. Un cahier des charges assez absurde, qui stipule par exemple, que « la courbe d’un concombre ne doit pas dépasser 15° « , confie Karim, qui connaît très bien le secteur de la GMS, dans lequel il a réalisé une partie de sa carrière.
Des paniers de fruits et légumes frais de 5 à 10 kilos
Face à ce qui lui semblait être une absurdité, Karim a donc lancé son concept de paniers de légumes anti-gaspi. Chaque jour, les fruits et légumes sont récupérés auprès de producteurs et maraîchers, avant d’être mis en paniers dans un entrepôt à Saint-Pol-de-Léon (29) où travaillent une quarantaine de salariés. « Nous collaborons avec 2.000 producteurs ». Avant l’intervention de Finisterestes, ces derniers voyaient 1/5 de leur production partir à la poubelle ou pour nourrir les animaux.
Une fois confectionnés, ces paniers sont livrés dans une soixantaine de points relais. Chez des petits commerçants qui les distribuent aux clients. Cette fois encore, ce choix a un sens. « Les commerces de proximité ont été abandonnés depuis le Covid-19. J’aimerais qu’ils reconquièrent les centres-villes. Je fais ma part en donnant aux commerces à la limite du redressement judiciaire l’exclusivité de la distribution ». Il y a tout de même un deal. « Le jour où leurs affaires vont mieux, ils doivent passer la main à un autre commerce de leur ville », explique le dirigeant. Ce système de distribution direct fonctionne pour 90 % des paniers. En ville, les ventes passent aussi par la plateforme To Good To Go.
Les paniers sont vendus à moindre coût : 6€ pour les légumes 7€ pour les fruits. Ils pèsent entre 5 et 10 kilogrammes et comptent, au minimum, 5 variétés. « Je me bats pour que les gens mangent équilibré et qu’ils aient accès à des produits frais », argumente Karim Vincent-Viry. Aujourd’hui, la coopérative commercialise près de 3.000 paniers par jour, ce qui permet de sauver 10.000 tonnes de légumes chaque année.
« 50 % du poisson pêché part à la poubelle »
Puis, comme la vente des paniers fonctionnait à merveille, Karim s’est intéressé au poisson. Il s’est associé avec un mareyeur du port de Lorient. Un endroit où « 10 tonnes de poissons sont jetés par jour ». « Il faut savoir que lorsque l’on pêche un poisson, la moitié part à la poubelle, alors même qu’il reste de la chair, notamment près de la queue du poisson », explique-t-il. Finistérestes en sauve 2 tonnes par semaine, pour concevoir des sachets de 250 grammes contenants plusieurs filets, pour 3€. Evidemment, « comme c’est de l’anti-gaspi, on ne peut pas savoir ce que l’on va trouver, c’est une surprise ! », explique Karim.
« Dans le port de Lorient, 10 tonnes de poissons sont jetées chaque jour ».
Karim Vincent-Viry, fondateur de Finisterestes
Le phénomène Too Good To Go
C’est aussi sur l’effet de surprise que mise Too Good To Go dans sa communication. L’application, qui compte 400.000 utilisateurs et 2.500 commerces partenaires en Bretagne, propose des paniers surprise élaborés à partir des invendus du jour des commerçants : restaurants, boulangeries, hôtels, primeurs… Ils sont vendus au quart de leur prix.
Too Good To go estime que plus de 2,5 millions de paniers ont été sauvés, depuis le début de l’implantation de l’application en Bretagne et 650 000, rien que l’année dernière.
Derrière cet engouement, se cache une nécessité face à la baisse du pouvoir d’achat. « L’anti gaspi a été identifié par les Français comme une solution en temps d’inflation, car il permet de faire des économies tout en faisant un geste pour la planète, explique Luisa Savoyard, chargée des relations presse. D’après elle, « un utilisateur sauvant un panier par semaine peut économiser, en moyenne, plus de 500 € par an sur son budget alimentaire ». Mais, commander un panier To Good To Go, résulte aussi d’une conviction citoyenne contre le gaspillage alimentaire. « Le contexte économique et la prise de conscience croissante des enjeux environnementaux ont fait que l’anti gaspi est devenu une habitude, un réflexe » pour de nombreux consommateurs. Du côté des vendeurs, en plus de limiter leurs pertes, cette démarche leur permet de gagner en visibilité, surtout, dès lors que ce sont de nouveaux commerces.
En Bretagne, l’application Too Good To Go compte 2500 commerces partenaires : boulangeries, épiceries, supermarchés, restaurants, primeurs, etc. (©Too Good To Go)
Chaîne de supermarchés, restaurant : l’anti-gaspi made in bzh a de beaux jours devant lui
La Bretagne, un haut lieu de l’anti gaspi ? Tout porte à le croire en voyant tous les commerces indépendants et les initiatives qui fleurissent partout dans la région. NOUS anti gaspi, a ouvert sa première épicerie en mai 2018 à Melesse, une commune du nord de Rennes (35). Aujourd’hui, l’enseigne compte une trentaine de magasins, dont la plupart se trouvent dans le Grand Ouest. Elle ambitionne d’atteindre une cinquantaine de points de vente d’ici la fin de l’année. Plus que des magasins, « Nous anti-gaspi, c’est même la première marque distributeur dédiées aux produits anti-gaspi », peut-on lire sur son site internet. Oeufs, viande, charcuterie, fromage, café, miel, cidre, pâtes à tartiner … De nombreux produits qui n’auraient pas été commercialisés dans des grandes surfaces classiques, à cause du poids ou de l’esthétique, trouvent leur place sous un nouvel emballage. La marque, qui compte une centaine de salariés, travaille avec une trentaine de producteurs.
Paniers, supermarchés… L’anti-gaspi rejoint même le secteur de la restauration en Bretagne. Le restaurant Quai Ouest, à Saint-Pol-de-Léon, est le premier à proposer un menu anti-gaspi, grâce à sa collaboration avec Finisterestes. Le menu entrée, plat, dessert, ne coûte que 12 €. Une initiative qui pourrait faire des émules.